Aller au menu | Aller au contenu
Photo : Olivier Ravoire

"Quel vivre-ensemble souhaitons-nous construire ? " était le thème des premiers Entretiens d’Albert-Kahn, un « laboratoire pour l’expérimentation d’innovations publiques », créé à l’initiative du Conseil général.

Inventorier le monde était l’un des objectifs du banquier Albert Kahn. « Il a envoyé des opérateurs dans une cinquantaine de pays, rappelle Valérie Perlès, directrice du musée départemental. « Ils ont ramené 90 000 images et une centaine d’heures de films, les Archives de la planète. Mais ce qui est moins connu, c’est qu’il avait fait de sa maison un lieu de débats et d’échanges. Henri Bergson, Romain Rolland, Thomas Mann, André Michelin, Marcel Dassault, ou encore Paul Apppel se sont succédés chez lui ». Reprenant cette tradition, la maison du mécène humaniste, accueille désormais « un espace de réflexion et d’expérimentation sur les grands sujets prospectifs d’ordre politique, socioéconomique et culturel », comme l’a décrit Patrick Devedjian. « Le monde est à nouveau en pleine mutation, a souligné le président du conseil général. Nous avons conscience que nous sommes à la fin d’une époque, que nous quittons un monde sans savoir véritablement où nous allons ». Les Entretiens Albert-Kahn réuniront régulièrement des intellectuels, acteurs associatifs, chefs d’entreprises, élus… une approche résolument non partisane.

Définitions

La première partie de la journée était consacrée aux différentes facettes du vivre-ensemble et à ses définitions. Premier intervenant, Michel Maffesoli, sociologue et théoricien de la postmodernité. Selon lui, la modernité, époque allant du XVIIIe jusqu’au milieu du XXe siècle, était un cycle où toutes choses ont été unifiées avec l’idée de République une et indivisible. Prévalaient la raison, l’individu et le contrat social. Aujourd’hui, cette unité se fragmente. «  La société est une mosaïque dont chaque pièce est autosuffisante, a sa forme et sa couleur, et pourtant arrive à s’articuler avec les autres afin de former un ensemble cohérent. C’est en ce sens que je dis que « la société est plusieurs ». Michel Maffaesoli refuse donc le terme « communautarisme » et réhabilite la notion de « relativisme », c’est-à-dire « ce qui va relativiser l’idée d’une culture unique et en même temps mettre en relation les cultures plurielles ».

Pour Philippe Kourilsky, biologiste-immunologiste, professeur au Collège de France, le problème majeur de notre société est d’être basée sur la liberté comme « grand principe universel », un droit auquel aucun devoir n’est associé. Il propose donc de lier la liberté à un devoir d’altruisme. Mais ce mot pouvant porter à confusion, il lui préfère l’altruité qu’il définit comme « l’obligation pour chacun de s’attacher à préserver et à renforcer les libertés individuelles des autres car mes libertés individuelles ne sont pas seulement limitées par celles des autres. Elles sont aussi construites grâce à celles des autres. L’altruité est leur contrepartie indissociable ».

Expériences

Consacrée à des expériences réussies du vivre-ensemble, la deuxième partie des entretiens a permis d’entendre des témoignages de terrain comme celui de Soumia Belaidi Malinbaum, présidente de l’association française des managers de la diversité, pour qui « discriminer est avant tout anti-économique » ou Nathan Stern, qui se définit comme un « entrepeneur social » : il est à l’initiative de plusieurs sites communautaires dont voisin-age.fr qui retisse du lien entre les personnes âgées isolées et leurs voisins. Un succès qui va s’exporter au Canada, en Espagne.

Avec les Entretiens Albert-Kahn, Patrick Devedjian souhaite « aller très loin dans le décloisonnement pour installer un terrain de rencontre multipolaire ». La présence de Lorenza Garcia, artiste qui vit entre Paris et le territoire des Navajos aux Etats-Unis, en est la preuve. Initiée aux traditions de ses amérindiens, elle organise des voyages de plusieurs mois pour les jeunes de banlieue. Autre expérience autour de la jeunesse, celle de Laurent Bayle, directeur de la Cité de la musique. Avec le projet Demos - dispositif d’éducation musicale et orchestrale à vocation sociale -, il entend permettre à mille jeunes âgés de 7 à 12 ans issus de quartiers défavorisés d’apprendre à jouer d’un instrument durant trois ans.

Enfin, Bruno Jarry qui dirige l’association Cultures, Loisisrs et Animations de la ville d’Issy-les-Moulineaux (Clavim), a présenté son nouveau projet : la création de l’espace Andrée-Chedid qui regroupera une antenne d'accueil et d'aide aux adolescents, une halte garderie, un lieu d'écoute des parents-enfants, un espace dédié aux parents-bébés, un lieu de dialogue avec les séniors… Une autre approche concrète du vivre-ensemble 

Le prochain séminaire, organisé le 23 novembre, aura pour thème les monnaies complémentaires.