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La gouvernance

des biens communs :

entre choix

et effectivité

Violaine Hacker

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Gouverner Par le Bien commun

Alors que les initiatives fleurissent pour inventer desmanières créatives

et solidaires de générer, gérer et partager des ressources, la tentation

est grande de lister les pratiques relevant des biens communs - les

séparant ainsi de celles qui ne le seraient pas. L’un des écueils à éviter

lorsque l’on considère les biens communs est pourtant la multiplication

des dichotomies opposant une catégorie - organique - à une autre :

l’argent et le social, l’humanitaire et le marchand, le public et le privé.

Depuis Aristote, la philosophie du Bien commun cherche plutôt à orga-

niser ces diverses composantes autour de la fonctionnalité d’un projet.

Celui-ci doit concilier à la fois les considérations matérielles (ressources

physiques et financières) et immatérielles (identité, sentiment d’appar-

tenance, conflictualité, choix et mécanisme de changement).

Les biens communs représentent davantage que la superstructure

liée à la production de biens et de services adossée à une autogestion

démocratique reconnaissant des valeurs de solidarité ou de bien-vivre.

Et le Bien commun n’est pas du seul ordre du bien et du mal, ou de la

notion de morale de droits de l’homme (libéralisme juridique) qui fixe de

façon statique des interdits (violation des droits fondamentaux) et des

possibilités (égalité des chances dans la diversité des talents). Cette

philosophie diffère de la notion d’« intérêt général » chère à l’école du

« contrat social » fondée sur une « volonté générale » potentiellement

désincarnée. L’harmonie collective - ou la conciliation de l’épanouisse-

ment de la personne et de l’utilité sociale au sein de la communauté

- s’inscrit plutôt dans le cadre d’un processus orienté en fonction d’un

sens partagé. Dès lors, ce qui importe dans la pensée du Bien commun,

ce n’est pas tant le contenu du discours que le processus dans lequel il

s’inscrit. Agir par le Bien commun ne représente surtout pas une injonc-

tion, une conduite à suivre, ou une livraison de solutions reproductibles.

Il pose plutôt des problèmes qui supposent de considérer tantôt la

capacité, tantôt la vulnérabilité de l’homme à évaluer les situations, et

les conduites à tenir en tant qu’expression du désir. La personne se situe

dans une dynamique, dans une relation avec l’autre, au-delà de tout

dogmatisme ou relativisme.

Comprendre la gouvernance des communs suppose dès lors de tenir

compte de la diversité des territoires, des choix collectifs et des

mécanismes de changement, en particulier dans un contexte global-

local. Cette pensée considère certes les ressources à gérer en commun,

mais aussi le processus (Par le Bien commun), choisi en fonction d’un

contexte et d’une finalité partagés. Gouverner Par le Bien commun

exige d’envisager demanière systémique la durabilité spatiale, de sortir