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Photo : Département des Hauts-de-Seine/Stéphanie Gutierrez-Ortega

Le 17 mai, les Entretiens Albert-Kahn se sont déroulés à Boulogne sur le thème de la participation citoyenne et de ses impacts, en présence notamment d’élus locaux, de chercheurs, de représentants d’associations et d’agents du Département.
Des conseils de quartiers aux civic tech, en passant par les concertations publiques, les citoyens investissent de plus en plus la démocratie participative. Avec quels résultats sur le processus de décision ?

« La participation citoyenne est un indicateur de santé démocratique », rappelle en introduction Carine Dartiguepeyrou, secrétaire générale des Entretiens Albert-Kahn (EAK), le laboratoire d’innovation publique du Département des Hauts-de-Seine. Mais elle est complexe à mettre en œuvre : comment favoriser la prise de parole de ceux qui ne s’expriment pas ? Comment favoriser la diversité des points de vue en étant constructif ? Le Département l’a notamment expérimenté en ayant su faire évoluer son projet de rénovation de la RD7, devenu la Vallée Rive Gauche, pour y intégrer les attentes des citoyens et remettre l’espace public au centre des enjeux. Avec l’open data, une réflexion a été également menée sur l’appropriation de ces données par les usagers et leur utilité. « L’enjeu de la participation citoyenne est de co-construire, explique Carine Dartiguepeyrou. La question est : y a-t-il des principes d’efficacité plus adaptés à notre échelle territoriale ? ».

Pour tenter de répondre, étaient conviés des invités issus de l’université et du Département. La première, Marie-Hélène Bacqué, chercheur à l’université de Paris Nanterre, a travaillé sur les dispositifs de participation citoyenne, relevant « les pièges et les promesses de la démocratie », de l’autogestion aux GAM (groupes d’action municipale) et aux ZAD (zones à défendre), en passant par les concertations publiques, obligatoires pour les grands projets ou les PLU.
Elle observe un tournant en 2000, avec l’exigence de participation portée comme force de proposition, et plus uniquement comme source de contestation. Elle observe que la participation et la co-gestion s’activent comme une dimension forte de la durabilité des projets.

Comment améliorer le vivre-ensemble sans ignorer la conflictualité sociale ?

L’invité suivant, Yves Mathieu, co-directeur de Missions publiques, créateur de laboratoires d’actions citoyens, s’est intéressé à « La participation aux différentes échelles territoriales, du quartier au monde ». Il décrit le développement de nouvelles pratiques politiques dont « l’enjeu est d’inclure l’expertise de non-experts, à savoir les citoyens dont le sujet n’est plus le faire contre, mais le faire ensemble. » Le citoyen a des compétences et doit trouver sa place dans l’élaboration des projets publics.
Il raconte l’expérience de débat planétaire menée le 6 juin 2015 où ont été recueillies les contributions sur le changement climatique pour la COP 21 de 10 000 personnes issues de 76 pays. « Hors des lobbies, la participation citoyenne fait bouger les corps organisés en les obligeant à se décentrer, observe-t-il. Il faut penser l’interaction et prendre en compte cette richesse dans le processus décisionnel ».

Cyria Emelianoff, professeur d’aménagement et d’urbanisme à l’université du Maine, poursuit avec l’exemple de la politique énergétique dont le pilotage est d’une grande complexité, car touchant à nos modes de vie et générant beaucoup de contradictions. Elle s’appuie sur la notion de « capabilité », les libertés réelles de choisir sur le plan individuel et le pouvoir d’agir collectivement.
Ses travaux montrent que le « faire voisinage », soit l’attachement spatial individuel, était propice à l’éclosion de projets collectifs. Cela comporte la réunion de trois points : « les communs » (biens, énergies renouvelables, etc.), le « faire territoire » (circuits courts, campus, etc.) et la « cohabitation avec le vivant » nécessitant le dégagement de grands espaces.
Elle conclut en lançant cette question : « pourquoi ne pas aider à faire germer des collectifs de citoyens, sources de bien-être, d’intégration sociale, de solidarités, pour créer un terreau favorable à l’éclosion projets de transition écologique ? ».

Des synergies à construire

Les deux dernières invitées travaillent au Département des Hauts-de-Seine. Annie Orsini, cheffe du service de l’éducation et de la citoyenneté, détaille sa mission : déployer au sein des collèges des dispositifs pour construire les citoyens de demain.
« Pour être efficace, il faut des finalités tangibles, souligne-t-elle, relier l’éducation à une envie, faire de l’école un lieu de coopération, d’entraide, mettre des jalons, des fêtes, des célébrations, des moments qui marquent la progression, le sentiment d’appartenance. » L’objectif est de favoriser les synergies des différents acteurs : l’Éducation nationale, les médiateurs, les travailleurs sociaux, les éducateurs…
Elle conclut : «  Notre action repose sur une double exigence : la lutte contre le désenchantement et la participation à une éducation ouverte qui passe par la connaissance de soi et le lien aux autres ».

Dernière intervenante, Anabelle Got, travailleur social au pôle solidarités, mène depuis 2015 une micro expérience auprès d’usagers des services sociaux dont la finalité est l’empowerment, soit le renforcement de leur pouvoir d’agir.
Elle a créé un outil – une grille d’entretien social collaboratif – qui aborde l’usager de façon globale, plus uniquement sous l’angle de ses problèmes. Cinq travailleurs sociaux y ont été formés de novembre 2017 à février 2018 et une évaluation est en cours.
« Cela change complétement le regard porté, conclut-elle. En donnant aux usagers la possibilité de co-construire le projet d’aide, nous valorisons leur expertise, nous produisons de l’envie et donc de l’adhésion. De nouvelles dynamiques s’enclenchent ».