La France est première en Europe pour l’espérance de vie, mais elle est
seulement en neuvième position pour l’espérance de vie en bonne san-
té. Voilà des perspectives peu réjouissantes pour notre avenir et pour
une espérance de vie qui ne fait qu’allonger des vies de précarité et de
maladie. Bien sûr, il ne faut pas rester sur cette analyse trop pessimiste
du vieillissement.
La perte d’autonomie ne concerne pas tout le monde : 17 000 per-
sonnes sont dépendantes – 14,4 % de la population de plus de 75 ans -.
Des chiffres qui viennent nous rappeler que nous sommes confrontés à
toutes les formes et à toutes les problématiques du vieillissement, et à
l’importance de l’accompagnement du vieillissement actif pour 86%des
personnes de plus de 75 ans. Et pour 85 % des plus âgés, ils souhaitent
continuer à vivre chez eux et à y mourir.
Dans les années à venir, les enjeux d’un vieillissement réussi vont se
jouer sur l’amélioration de cet accompagnement de la vie quotidienne
active à domicile, en synergie avec celle qui accompagne la dépen-
dance.
La société ne favorisant pas de vraie réflexion autour de la vieillesse
active et autonome, c’est important d’apporter d’autres perspectives au
cours de cettematinée… de nous donner ainsi l’opportunité de porter un
nouveau regard sur la vieillesse, sur l’âge… qui aura en plus le mérite de
limiter les coûts de la dépendance.
Et si l’âge devenait un atout et si l’espérance de
vie gagnée prenait tout son sens pour le bien de
l’humanité ?
Avec l’arrivée plus précisément des premières générations seniors,
celle dite des babyboomers, certes déjà identifiées pour leurs com-
portements à risque (alcool, tabac, sédentarité, obésité), mais déjà
surnommées les
silvers surfers
grâce à leur implication dans l’innovation
technologique.
« Personne ne veut être vieux… cela on l’a compris, mais tout le monde
veut vieillir jeune » .
Vu le monde croissant qui fréquente nos forums, nous avons bien perçu
que pour cette catégorie de populationqui ne bénéficie pas de campagne
de prévention (la campagne du cancer du col de l’utérus s’arrête à 65
ans), la santé et l’hygiène de vie tiennent une place importante.
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Il est vrai que quand on lit les projections démographiques, il est difficile
de parler du bien-vieillir dans vingt ans ! Oui ces publications font peur
; mais c’est important d’être tous collectivement vigilants sur ce qui
nous attend, et après ce qui s’est passé lors de la grande canicule du
mois d’août 2003, d’être doublement attentifs. En 2003, personne ne
nous avait annoncé une telle catastrophe humanitaire. À cette époque
nous avions enregistré une surmortalité en unmois de 11 000morts en
France et de 910 dans les Hauts-de-Seine.
C’était certes il y a dix ans et aujourd’hui les personnes âgées sont
hydratées et encadrées par les équipes soignantes ou communales.
Et dans vingt ans ce sera encore mieux. Et bien non, dans vingt ans
ce sera pire quand on voit ce qui se passe de nouveau aujourd’hui, au
mois d’août, dans les communes désertes de notre département. La
mobilisation a perdu la mémoire et sa flamme. Les personnes âgées
vivent chez elles de plus en plus nombreuses et elles sont de plus en
plus seules. Internet et Skype n’ont rien réglé. La solitude est toujours
là, mais dans les familles, on sauve les apparences en se donnant
bonne conscience. Alors que pour nous, un appel n’a jamais remplacé
une visite ou une semaine de vacances en famille. Dans ces vies aban-
données de l’été, que de confessions, que de vies se racontent, que
de honte exprimée, d’ennui et de désœuvrement. C’est la pire facette
de la vieillesse, où l’espérance de vie fait place à la désespérance de
vie. C’est la pire des solitudes, où la désespérance de vie est de n’avoir
personne à qui confier sa propre solitude ! Lamajorité de ces personnes
sont des femmes.
En 2014, 20 % des suicides concernent des personnes de plus de 75
ans en France.
Voici quelques chiffres de notre département qui vous montre le poids
de ces vies en solo et en solitude sur les 118 000 personnes âgées qui
ont plus de 75 ans :
- 51 000 personnes vivent seules ;
- 30 000 personnes sont en situation d’isolement relationnel (moins de
5 contacts par mois, toutes relations confondues - rapport 2014 de la
Fondation de France).
Avec un recul de vingt ans d’expériences, je ne vois pas comment la
situation peut s’arranger. Pire, dans vingt ans, avec l’augmentation des
populations de plus de 75 ans, la solitude va devenir le grand fléau de
notre siècle. Un fléau qui va décupler avec la baisse des montants des
retraites et l’augmentation des maladies chroniques. Car les années de
vie gagnées en bonne santé seront en baisse.
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