ENTRETIENS AK - Cahier n° 13 avec couv - page 19

Les possibilités d’anonymisation des échanges sur certains réseaux ou
au contraire « l’éditorialisation de soi » sur d’autres sont des moyens
de communiquer « autrement » selon le type de message, le degré de
proximité relationnelle ou géographique avec le / les interlocuteurs
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.
La multiplication des modes de communication ne remplace pas les
échanges en face à face. Mais de nombreuses études depuis le début
de l’Internet grand public indiquent que plus on a d’interactions avec
d’autres personnes en face à face, plus on a d’interactions virtuelles,
et réciproquement. Les échanges numériques alimentent des relations
bien réelles, de proximité. Au point que beaucoup de réseaux sociaux
se développent aujourd’hui sur des critères géographiques, voire micro-
locaux, au niveau d’un quartier, d’un immeuble. C’est le cas de services
comme Onvasortir.fr (partager des activités), Maresidence.fr (rencontrer
ses voisins, connaître la vie de son quartier), ou encore Voisin-Age.fr
(rencontrer des personnes seules, isolées). Loin d’être synonyme de
déterritorialisation ou d’abolissement des distances, ce type de réseaux
sociaux de quartiers anime la vie locale, organise et médie les échanges
entre voisins. Ces dispositifs s’enrichissent souvent d’informations
locales associatives, publiques (mairies), culturelles et des commerçants,
voire de petites annonces et d’échanges de services.
Une importance accrue des « liens faibles »
Avec les échanges en réseau, c’est une importance nouvelle aux liens
« faibles » qui est donnée. Si les 150 contacts que développent en
moyenne les internautes sur les réseaux sociaux ne sont pas à propre-
ment parler des « amis », ils n’en sont pasmoins des contacts activables
à des moments précis. Surtout, mis bout à bout, ils alimentent des
échanges quotidiens et augmentent le sentiment d’appartenance à
une communauté relationnelle. De même que le boulanger, le facteur
et autres « médiateurs » deviennent des opérateurs de liens sociaux
de proximité, les liens faibles des réseaux fonctionnent un peu de la
même façon, dans un espace géographique nouveau, qui s’hybride
naturellement au quotidien des seniors. Ce sont ces amis d’amis qui vous
envoient des informations en tout genre, ou ces internautes, fidèles
ou ponctuels, qui commentent vos « posts », « statuts », ou blogs. Les
seniors tenant quotidiennement un blog avouent être tenus par cette
cristallisation des nouveaux réseaux relationnels.
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au moins quatre effets déviants qui produisent de nouvelles formes
de dépendances :
- substituer la technologie à l’humain ;
- placer les individus sous surveillance ;
- sur-simplifier et infantiliser ;
- supprimer les obstacles plutôt qu’aider à les négocier.
La grande dépendance ou le handicap physique majeur sont en outre
des états spécifiques du vieillissement qui ont peu à voir avec la vie
sociale, culturelle, familiale de la majorité des seniors d’aujourd’hui.
Les technologies jouent un rôle de révélateur des représentations
ambivalentes, voire négatives, de la vieillesse que nos sociétés de la
longévité portent en elles. Il ne tient qu’à nous de faire qu’elles soient du
côté de l’
empowerment
des individus, augmentant leurs capacités, leur
prise sur le monde, leurs liens aux autres... sur un mode choisi.
Pour une troisième vie connectée et reliée ?
Le véritable défi lancé par la société de la longévité est celle du lien
social. L’arrêt de l’activité professionnelle et l’insertion dans une autre
activité, le départ des enfants, les déménagements de « confort » ou
de « contrainte », la réduction progressive du cercle familial élargi,
un divorce
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ou le décès du conjoint, contribuent à faire évoluer en
profondeur les sociabilités avec l’âge, et à les restreindre progressive-
ment à l’univers familial (quand il existe). En 2005 la France comptait
8,5 millions de personnes seules, dont 3 millions âgées de plus de 65
ans, soit 30 % des ménages. Avec l’individualisation des modes de vie,
les recompositions familiales, l’éclatement géographique, l’isolement
est peut-être le principal cinquième risque encouru par la société. Or
les réseaux et les technologies numériques offrent des outils pour
soutenir des formes de sociabilité et accompagner la mobilité, sociale,
culturelle, physique…
Communiquer, échanger, se relier
Si les événements de vie modifient les sociabilités, celles-ci évoluent
aussi imperceptiblement avec la diversification desmodes et supports de
communication (synchrone / asynchrone, message instantané, visio, photo).
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(7) Selon l’INED, le taux de divorce des plus de 60 ans a augmenté de 28% chez les
femmes et de 39% chez les hommes durant les dix dernières années.
(8) Voir à ce propos les travaux de Laurence Ledouarec et Vincent Caradec (uni-
versité de Lille) sur l‘usage du téléphone mobile entre grands-parents, enfants et
petits-enfants.
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