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matériaux recyclés. Une voiture a été imprimée en cinq jours, pour un
prix record de 1 600 euros. Son « encre » est faite de bois recyclé et
de fibres végétales. Le MOMA de New York vient d’acquérir la première
robe imprimée d’un seul tenant, conçue à partir de milliers de petits
éléments triangulaires reliés par des micro-charnières qui assurent
une parfaite customisation et fluidité. Des objets au design raffiné, ou
encore de pures créations, comme des sculptures abstraites fabriquées
à partir de fichiers musicaux, figurent au palmarès de cette foisonnante
création 3D.
Ces nouveaux savoir-faire s’appuient également sur les
cobots
, les
robots collaboratifs qui nous assistent dans demultiples tâches, et sont
nos nouvelles
externalités cognitives
. Ils peuvent par exemple assembler
des pièces avec une précision de l’ordre du micron (un millième de milli-
mètre). Avec les progrès de l’intelligence artificielle, ces robots pourraient
remplacer 40 à 70 % des emplois d’ici vingt ans, notamment dans les
tâches intellectuelles. Ainsi par exemple l’Associated Press, l’agence de
presse américaine, utilise déjà des robots logiciels pour rédiger automa-
tiquement des articles en quelques secondes à partir de données brutes
et de graphiques. L’humain lit péniblement 70 pages par heure, dans le
même temps le robot en mémorise 300 millions.
Les progrès technologiques avancent donc avec une rapidité inédite
dans tous les domaines, au point que personne ne peut connaître au-
jourd’hui lesmétiers de demain. Leur durée de vie ne sera probablement
que de quelques années seulement, il faudra donc apprendre à s’adapter
en permanence. En 1997 l’ordinateur gagnait aux échecs contre Garry
Kasparov. Aujourd’hui il est imbattable, il connaît toutes les combinai-
sons. Ce qu’il ne sait pas encore, c’est qu’il joue aux échecs. Mais la ques-
tion est : jusqu’à quand ? Un fait est passé assez inaperçu en juin 2014 :
un ordinateur a passé avec succès le Test de Turing. C’est-à-dire qu’il
a réussi à se faire passer pour un humain, dans un « test à l’aveugle »,
auprès d’un jury composé de dix-huit personnes. Si la validité du test a
pu être contestée, il n’en est pasmoins vrai que lemathématicien Cédric
Villani, qui a obtenu la prestigieuse médaille Fields, a déclaré que d’ici
vingt ans la réussite du test sera devenue une réalité. Plusieurs per-
sonnalités ont d’ailleurs fait part dans la presse de leurs interrogations
face aux progrès exponentiels de l’intelligence artificielle. Parmi elles :
l’astrophysicien Stephen Hawking, Elon Musk, créateur de PayPal et de
Tesla, ou encore Bill Gates.
L’Internet des objets contribue également à l’accélération des innova-
tions dans de nombreux domaines. La taille de l’univers numérique va
doubler tous les deux ans avec la quantité des données générées par
les quelque 80 milliards d’objets connectés commercialisés d’ici 2020.
On parle beaucoup par exemple des bracelets connectés et du
self
quantified
, la mesure de soi, qui va révolutionner le monde de la santé.
Mais les objets connectés vont aussi investir et transformer en profon-
deur nos environnements. En les rendant communicants, expérientiels
et relationnels, ils ouvrent la voie à de nouveaux imaginaires qui vont
ré-enchanter le réel. Ainsi par exemple, l’escalier plutôt triste d’une
gare poussait les gens à utiliser l’escalator, ce qui posait des problèmes
d’engorgement aux heures de pointe. Des artistes ont eu carte blanche
pour repenser le lieu et lui redonner vie. Ils ont transformé l’escalier en
piano géant interactif, chaque marche devenant une touche produisant
un son de la gamme. Ce dispositif ludique et poétique a vite séduit les
passagers qui l’ont majoritairement adopté, fluidifiant ainsi le flux de
circulation tout en stimulant une forme de créativité partagée et d’inte-
raction sociale. Dans un autre registre, le Cirque du Soleil propose un
numéro digne d’
Harry Potter
, où un comédien danse avec des abat-jour
en apesanteur dans l’air. Il s’agit en fait demini-drones synchronisés qui
interagissent avec lesmouvements du comédien. Au
Media Lab
deBoston,
un haut lieu de la recherche américaine dans les nouveaux médias, des
ingénieurs et des artistes travaillent de concert à la conception de sys-
tèmes ubiquitaires qui vont nous permettre d’agir à distance et en tout
lieu, en temps réel. D’autres formes d’extension de nos capacités font
l’objetderecherchesavancées,commelestraducteursvocauxinstantanés.
Un Japonais et un Français pourront ainsi bientôt converser, chacun dans
sa langue natale, le logiciel traduisant en temps réel les propos avec la
voix synthétisée de chaque interlocuteur.
Les données issues de nos activités numériques et des objets connectés,
le
big data,
va nous permettre d’indexer, modéliser, et prédire le réel. Ce
nouvel or noir, dont lemarché croît de 30%par an, va accélérer l’automa-
tisation des fonctions d’analyse et de décision. Par exemple, grâce aux
500 millions de messages échangés chaque jour sur Twitter, on peut
déjà dépister les départs d’épidémies et leur propagation plus effica-
cement que ne le fait l’OMS. Autre exemple, Disney a investi un milliard
de dollars dans son bracelet
My Magic+
, qui permet de personnaliser
la visite dans ses parcs d’attraction, tout en récoltant de nombreuses
informations sur ce que fait chaque visiteur : localisation, occupations,
relations, achats, etc. La
big data
est également un matériau dont
s’emparent les créatifs pour représenter des dimensions invisibles du
réel. Ainsi, un artiste a conçu un dispositif utilisant les flux de données
issus d’Internet pour représenter sur un écran géant urbain une «
météo
émotionnelle du monde
». De nouveaux savoir-faire apparaissent donc
autour de la représentation et de la valorisation de données, tels le
serious gaming
, le
data design
ou encore l’
infomédiation
. Par exemple, la