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Le monde est en métamorphose, le numérique en est la cause. La

métamorphose est faite à la fois de permanence dans ses structures

et archétypes, de rupture et de saut dans l’inconnu. Elle s’inscrit dans

l’Histoire humaine. Elle est création non darwinienne, enchaînant en va-

gues successives et rapprochées une série de mutations systémiques,

cognitives, dont l’issue est source d’imagination, d’aléas subis et de

choix collectifs et individuels, conscients ou inconscients, inscrivant sa

trajectoire dans un cadre plus large du projet humain.

La métamorphose numérique

Révolution, transition, transformation, rupture sont des mots forts qui

s’effacent ou se relativisent cependant devant la puissanceet la diversité

de la métamorphose. Elle n’est pas une transition, comme celle en cours

vers un mode d’énergie décarbonée. Elle n’est pas une révolution qui

remplace un ordre par un autre, un royaume vers une république. Elle

n’est pas une simple transformation d’une façon de faire les choses en

une autre, un pouvoir centralisé en déconcentré. Une métamorphose

est une forme de mue complète, à la fois un changement de phase pour

les physiciens, une bifurcation dans le langage de la systémique, mais

surtout une trajectoire d’évolution vers un état inconnu. Sous la poussée

initiale d’une fonctionnalité nouvelle, la rupture provoque une série de

vagues en rebond affectant toutes les composantes et dimensions

du fonctionnement de la société humaine. La chenille se transforme

en papillon. Mais la dimension de complexité créatrice de l’humain,

systémique de la société et écologique de la terre fait que l’issue n’est

pas facilement prédictible ni scénarisable. Il nous faut donc recourir à

une approche prospective à la fois historique, cognitive, scientifique,

éthique et politique, pour appréhender l’espace des trajectoires d’avenir,

et trouver les leviers d’action consciente de l’humain autour d’un projet

de long terme.

La quatrième métamorphose de l’humanité

La métamorphose initiale

et fondatrice est celle de la création d’outils et

de la maîtrise du feu. Elle a transformé les hardes primates en groupes

humains, tribus et peuplades nomades vivant de chasse et de cueillette, et

a guidé les premiers pas du projet humain de différentiation du monde

animal par apprentissage et transmission, et l’éveil d’une conscience

d’être dans le monde.

La seconde métamorphose

s’est opérée au travers du développement

de l’agriculture et de l’élevage associé. La sédentarisation, en consé-

quence, a enclenché un mouvement de thésaurisation des richesses :

des outils, des habitats, la naissance d’organisations collectives, le

progrès et la transmission des connaissances. Elle a donné naissance

aux grands empires multimillénaires, puis multiséculaires puis aux

royaumes, aux grandes religions, à l’artisanat, puis à la technique et

à la science, aux arts plastiques puis littéraires. L’humanité a franchi

dans cette phase une étape importante de constitution d’une entité

terrienne globale, échangeant savoirs et techniques, se structurant à

grande échelle, tirant pleinement parti de l’arbre de la connaissance,

domestiquant la nature à son profit, mais en n’en changeant fondamen-

talement pas la structure, ni les équilibres. Du point de vue politique, ont

émergé desmodèles d’organisation pyramidale, basés sur la possession

terrienne et les privilèges associés, la terre étant à la base de la création

primaire de richesse. Cette période de texture inégale selon les continents

et latitudes a vu l’émergence d’une domination technique, organisa-

tionnelle et intellectuelle de l’Europe qui s’est terminée en beauté par

le siècle des Lumières, porteur des ingrédients pour la survenue de la

troisième métamorphose.

La troisième métamorphose

est celle de l’industrie et du commerce.

Elle s’est bâtie sur la maîtrise de l’énergie et des machines permettant

le développement de l’usine, des transports non animaux, la création

de nouveaux matériaux, l’explosion des technologies, la globalisation

du commerce. Elle a modifié les échelles de la puissance artefactuelle,

et de la vitesse des échanges : la tour Eiffel et le « tour du monde en

80 jours ». Il s’en est suivi une série de transformations dans tous les

domaines, l’occupation physique du monde colonisé, le développement

d’un système financier international, la création d’objets nouveaux et

performants. Le pétrole et l’électricité accélèrent le développement par

une énergie plus souple et miniaturisable et la création des communica-

tions à distance constituant une deuxième « révolution industrielle ». À

l’arrivéede lapremièreguerremondiale, les royaumes et empires existants

et des pays nouveaux émergents se sont constitués en nations. Le

pouvoir s’est pour l’essentiel structuré autour de la possession capita-

listique. Les grandes nations se sont taillé des empires coloniaux, un

système financier autour d’un réseau de bourses mondial s’est installé.

Les deux guerres ont amené au frein d’un acteur ambitieux l’Allemagne,

à la destruction des deux derniers Empires européens et au début

du leadership américain. La crise de désadaptation entre structure

industrielle et financière des USA a produit la première crise financière

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