réseaux sociaux, les messageries instantanées, les jeux vidéo collectifs,
transgression à la société de consommation par la gratuité et le pira-
tage, intensification des partages pour le meilleur et pour le pire. Cette
transformation sociale touche les jeunes, mais aussi pas à pas les autres
générations goûtant à la facilité et aux plaisirs de l’échange de contenus,
des mails, SMS et groupes Facebook, en en maîtrisant le rythme tout
de même. Cette métamorphose du terreau constitutif des relations
sociales contamine la vie dans les espaces publics, les transports, l’en-
treprise et les différents groupes sociaux : famille élargie, association,
parti politique. Il en résulte une diversification, une co-intensification
entre individuation et communication.
La métamorphose cognitiv
e. Les langages gestuel, parlé puis écrit ont
marqué l’évolution de la société humaine, laissant aux arts les impressions
sensorielles et perceptives. Ils ont organisé nos structures cognitives de
communication, de raisonnement et demémoire. Le numérique apporte
des transformations profondes : le poids grandissant de l’image ; la
virtualisation sous forme de présence sensorielle à distance, mais
aussi la substitution de l’expérience virtuelle à l’expérience physique ;
l’organisation de la mémoire avec l’accès rapide aux connaissances, et
la saturation apportée par des informations non structurées de type
image et musique ; et enfin la sollicitation permanente d’informations
et d’interactions. Il en résulte à la fois une saturation cognitive dont la
dégradation des expressions verbales est un bon thermomètre, et une
mutation cognitive liée, d’une part, aux nouveaux langages et, d’autre
part, aux capacités nouvelles de raisonnement requises par le flot
de connaissances externes et les outils puissants de traitement des
données.
Le développement des infrastructures numériques, réseaux de com-
munication fixes et mobiles,
data center
et algorithmes, terminaux et
interfaces, entourent la terre d’un système de trois sphères, la sphère
de communication ubiquitaire ou ubisphère, la sphère de traitement de
l’information ou cybersphère et la sphère de contenus et connaissance
ou noosphère.
Les vagues de numérisation successives enrichissent ces sphères,
notamment :
- la numérisation du monde physique au travers de capteurs et d’actua-
teurs et leur mise en réseau, appelés aussi
internet of thing
s vient
enrichir la cybersphère. La numérisation des infrastructures de
bâtiment, de transport, d’environnement, de production, mais aussi
d’espaces quotidiens comme la rue, la voiture, les bureaux offre des
capacités quasi sans limite d’actions à distance : observation, pilotage,
prévention… ;
- la production massive de données issues de ces capteurs, des objets
communicants, des traces d’usages des services, des robots et
machines, et des contributions volontaires développe à une échelle
nouvelle la cybersphère.
La prochaine vague de la métamorphose numérique est celle de l’intel-
ligence artificielle. Robots, machines autonomes et apprenantes, vont
continuer d’enrichir la cybersphère et lemonde autonome desmachines.
Mais elle va apporter également une dimension nouvelle aumonde de la
connaissance et des contenus, aux pratiques scientifiques, à la création
de connaissances nouvelles, et au développement conjugué de l’homme
et des machines et agents virtuels.
Quelques points essentiels pour le chemin
humain
Aujourd’hui,imagineretdécrirelepotentieldelamétamorphosenumérique
de la société demanderait des livres et des livres que le développement
réel viendrait rapidement dépasser. C’est un continent nouveauà imaginer,
à créer et à construire collectivement, et à faire émerger du monde
industriel et de la société de consommation et de communication qui
nous ont structurés. Nous avons cependant besoin de boussoles et de
guides pour appréhender les situations et mettre en perspective com-
mune cette transformation, pour en profiter pleinement, et éviter les
nombreux écueils qu’une société d’intérêts et de compétition issue de
l’ère industrielle nous a légués.
Nous devons avoir des objectifs partagés pour que les décisions indi-
viduelles et collectives confluent dans une bonne direction. Le premier
objectif qui s’impose n’est pas lié à la métamorphose numérique, mais
s’imposeànous. C’est celui des10milliards d’habitants sur Terre. Comment
vivre sur Terre à 10 milliards en assurant la réponse aux besoins vitaux,
un relatif bien-être et une relative harmonie dans la production et le
partage de richesses, dans la lutte contre les évolutions climatiques et
le partage des ressources essentielles ? Ce problème lui-même difficile
et complexe doit être posé comme une composante du projet humain
en termes économique, sociétal, écologique et spirituel. L’explosion et
la luxuriance créative du numérique deviennent alors une opportunité
pour l’humanité de dépasser les cultures de l’argent et de l’hédonisme,
pour l’enrichir d’une dimension nouvelle.
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