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s'approprier ce qui ne l’était pas autrefois. Les critiques n'ont cessé de

monter contre cette tendance et on discerne un début de revirement.

Celui-ci pourrait notamment s'effectuer par la reconnaissance des droits

de chacun à l'égard des biens communs qui interdirait et sanctionnerait

leur réappropriation abusive. Mais on se situe ici sur des terrains législatif

et réglementaire qui relèvent du niveau européen et national.

Que peuvent faire les collectivités territoriales ? Elles peuvent contri-

buer aux biens communs numériques, jouer un rôle d'ordonnateur dans

certains cas, nourrir les conditions d'existence de la contribution de

chacun et l'organiser sur leur territoire et, enfin, agir pour que chacun

(notamment les personnes défavorisées économiquement ou vis-à-vis

du système éducatif) puisse bénéficier de leur existence.

Le développement mutualisé de logiciels libres entre collectivités ter-

ritoriales pour les applications spécifiques de leurs métiers (SIG, bases

urbaines, transports, etc.) offre des potentialités importantes. Malgré

l'action de l'ATICA

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autour des années 2000 et l'activité de l'association

ADULLACT

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, cette mutualisation s'est longtemps heurté aux craintes

de « payer pour les autres », à la résistance des prestataires et à la

sous-estimation des investissements nécessaires pour créer un produit

partagé. La discussion lors des Entretiens a fait apparaître un dépasse-

ment en cours de ces obstacles.

Les collectivités peuvent aussi dans certains cas commander le dévelop-

pement d'un logiciel libre qui leur paraît socialement ou techniquement

utile (ainsi de certains logiciels pour la démocratie participative ou les

réseaux sociaux locaux). Mais il est souvent plus efficace de reconnaître

des initiatives sociétales déjà amorcées et de les soutenir.

Enfin, le soutien à la contribution aux communs peut être un facteur

important de développement territorial. En effet, plus encore que

l'usage des biens communs numériques, c'est la contribution à ceux-ci

qui, par l'internalisation de compétences techniques, culturelles et

sociales, est porteuse de nouvelles capacités, de liens sociaux et d'inno-

vation. Ce soutien aux conditions d'existence de la contribution peut

passer par la mise à disposition de lieux et de personnels d'animation

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(

hackerspaces

, espace de

co-working

, fabriques dotées d'imprimantes

3D, lieux culturels en général). En effet, les biens communs numé-

riques, tout intangibles qu'ils sont, ont besoin de lieux, d'espaces où

l'on échange et développe une socialité liée. Ce soutien passe aussi par

toutes les actions qui contribuent au temps libre et par la reconnais-

sance et la récompense pour la contribution aux communs.

Enfin, on considérera avec une grande prudence le fait de vouloir

directement organiser ou interférer avec la gouvernance des biens

communs numériques. Il est naturel que les collectivités expriment leurs

besoins et leurs préoccupations dans cette gouvernance, mais les biens

communs appartiennent à tous, et leur gouvernance est un processus

sociétal.

Philippe Aigrain

Animateur du mouvement mondial

pour les biens communs informationnels

(15) L’ATICA est la mission de soutien technique pour le développement des TIC

dans l’administration.

(16) Fondée en 2002, l’ADULLACT a pour objectif de soutenir et coordonner

l’action des administrations et collectivités territoriales dans le but de promouvoir,

développer et maintenir un patrimoine de logiciels libres utiles aux missions de

service public.