Open Data et biens communs
Pour autant, on s’aperçoit assez vite que les données en Open Data
présentent une dimension de
gestion collective
qui les font rejoindre
la notion de biens communs, notion dont relèvent les biens matériels
et immatériels. Les données en Open Data se caractérisent en effet par
une gouvernance partagée dans l’usage et l’exploitation dont elles font
l’objet. Une fois ouvertes, les données basculent en effet dans un mode
de gestion collectif, qui implique la société civile et qui diffère au sein de
l’administration qui les produisait.
La gouvernance collective se traduit par les retours que les citoyens
peuvent faire sur les données publiées, leurs demandes de voir de nou-
velles données ouvertes, mais également par la dimension contributive
et collaborative de fabrication des données publiées.
Précisons donc ces deux points, à savoir quels sont lesmodes de gestion
collective des données en Open Data que l’on peut constater.
• Le retour direct des citoyens sur les données publiées
Les internautes vont faire des remarques par rapport à la qualité des
données, leur fréquence de mise à jour, ou par rapport à des champs
informatifsmanquants dans une donnée publiée. Ils vont donc pouvoir
influer sur la production de cette donnée.
Par exemple, lorsque la plateforme Open Data départementale a pu-
blié une donnée relative aux établissements d’accueil pour personnes
âgées (un des jeux de données les plus téléchargés), des internautes
ont demandé à ce que la capacité d’accueil de chaque établissement
soit mentionnée, information qui a ainsi été complétée et rajoutée par
le Département lors d’une mise à jour ultérieure.
Les citoyens peuvent également, à cette occasion, souligner l’absence
de données publiées dans des domaines qui leur paraissent essentiels.
En France, un collectif dénommé « Transparence Santé » fédérant
associations de patients et consommateurs, chercheurs ou universi-
taires, réclame l’ouverture des données de santé par la Caisse primaire
d’assurance Maladie (après anonymisation bien entendu). D’autres
collectifs ont également pu exiger de la transparence en matière
de contrôle de la vie politique, en demandant l’ouverture de données
relatives au patrimoine des élus, aux liens entre parlementaires et
lobbies, etc.
• La participation active des citoyens à la création d’une base de données :
le
crowdsourcing
L’exemple le plus célèbre est celui d’Open Street Map, une base de
données géographiquesmondiale qui a été initiée en 2004, où chacun
peut contribuer soit en numérisant une carte, soit en introduisant des
coordonnées GPS, soit en saisissant les caractéristiques d’un point
d’intérêt. Les contributions se font soit en recueillant et assemblant
des données publiques, soit à partir d’observations de terrain par les
contributeurs volontaires. Un exemple plus méconnu mais non moins
spectaculaire est celui du service
Marine Traffic,
un site collaboratif
initié en 2007 par une université grecque et qui est aujourd’hui le
premier site de suivi du traficmaritimemondial, avec plus de 2millions
de pages vues par jour. Plus de 1 000 contributeurs relaient la position
des bateaux près des côtes mondiales publiant instantanément et
simultanément les coordonnées de localisation de 65 000 navires en
moyenne.
Le
crowdsourcing
peut également être employé pour améliorer la
qualité d’une donnée. C’est ce que mettent enœuvre certains portails
d’archives, qui proposent une indexation collaborative : les citoyens
sont invités à annoter les cartes postales anciennes, les actes anciens,
pour améliorer les informations publiées (ces indexations peuvent
concerner des dates, des lieux, des types de documents, voire des
mots-clés). Près de nous, le Département des Yvelines a mis en place
cette fonction pour certains documents publiés en ligne et celui des
Hauts-de-Seine projette de le faire prochainement.
Les biens communs informationnels sont ainsi une catégorie spécifique
des biens communs de la connaissance
, puisque grâce à l’Open Data,
non seulement l’utilisation des données n’appauvrit pas le stock
communmais
l’enrichit
. Cette spécificité a notamment été pointée par
des économistes comme Elinor Orstrom, première femme prix Nobel
d’économie en 2009.
Il faut rappeler à cette occasion que le partage et la coproduction
des données publiques font écho à des pratiques similaires et pré-
existantes en matière scientifique. Un exemple célèbre est le projet de
décodage du génome humain, projet dont la réalisation s’est concrétisée
plus tôt que prévu (en 2003 alors qu’elle était initialement envisagée
plus tardivement) grâce à un processus collaboratif initié au début des
années 90. En raison de la taille de ce génome, une vingtaine de grands
centres de séquençage, réunis en un consortium international, ont
convenu de diviser le travail. Chaque centre s’est également engagé à
déposer les séquences, dès leur obtention, dans
des bases de données
publiques
. Le résultat est qu’aujourd’hui une version complète et précise
à 99,99 % de la séquence du génome humain est librement accessible
en ligne, à la disposition des chercheurs du monde entier.
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