Entretien EAK - Cahier 38

Introduction Patrick Devedjian 7 Nous avons beaucoup de chance parce que nous accueillons ce matin des intellectuels engagés. Des intellectuels qui ont été des militants, ou le sont encore, et qui ont justement conjugué cette capacité de s’engager sur le terrain avec tout ce que cela a d’astreignant et, à la fois, de prendre de la hauteur. Aujourd’hui, nous devons affronter une sorte de remontée du populisme, qui se développe tous azimuts. Je suis de l’avis de M. Rosanvallon lorsqu’il décrit le système français, dans son dernier ouvrage Notre histoire intellectuelle et politique , comme un système hyper centralisé. Je pense que notre démocratie dégénère parce que nous sommes quasiment dans un système monarchique et depuis que, par exemple, les élections législatives sont conjuguées avec l’élection présidentielle, le parlement a perdu son autonomie. Mais je tiens aussi à tempérer mon jugement parce que lorsque l’on prend le cas de l’Italie, qui est un pays de culture décentralisée, le populisme y connaît une envolée extraordinaire. Quand on regarde l’Angleterre, qui a inventé la démocratie représentative justement par crainte du populisme, le système anglais étant le résultat d’une grande sagesse, d’une grande intelligence. Et pourtant si les Britanniques en sont là aujourd’hui, avec le Brexit, c’est justement du fait de la démocratie directe, du système référendaire déclenché de manière mal appropriée. Est-ce que la démocratie est en crise ? De manière globale, je crois que les partis politiques ont une responsabilité considérable dans la dégénérescence du système démocratique. Je le dis en ayant occupé moi-même des fonctions de secrétaire général de parti, donc je ne suis pas indemne du reproche. Les partis politiques aujourd’hui sont devenus des machines électorales à court terme, ils n’ont pas de vision d’avenir, ils ne cherchent pas en avoir d’ailleurs, ils n’ont pas de vocation à se structurer intellectuellement, ils ne font pas de sélection, ils ne font pas de formation, ou très peu. C’est d’abord notre faute à tous, partis politiques de droite comme de gauche, mais surtout de droite puisque c’est de là que je viens. Par ailleurs, je crains que si le président Macron échoue, et que, et la gauche et la droite n’ont pas su se rénover, se renouveler, il ne reste que les extrêmes comme alternative. Le populisme serait alors gravissime pour notre avenir. Voilà quelques éléments que je voulais partager avec vous en guise d’introduction, mais je laisse la parole à nos trois invités hors pair autour de la thématique « Où va la démocratie ? » retenue pour cet Entretien Albert-Kahn n°38.

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