Cahier numéro 1 - page 8

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Lemot « caritas », voie royale pour Saint Augustin de la vérité, s’est bien
affaibli tout au long des temps modernes. Sinon qu’il trouve dans les
nombreuses manifestations caritatives une vigueur renouvelée. Celle
d’un lien social où l’amour a sa place.
Il ne s’agit pas, bien entendu, d’un amour que l’on peut réduire à la
sphère privée. Non plus d’un amour désignant le sentiment éprouvé
par deux personnes l’une pour l’autre. L’amour en question, en son sens
plénier, est un terme commode pour désigner une ambiance générale
dans laquelle s’élabore et s’épanouit une manière d’être-ensemble. Le
fondement d’une autre forme du lien social. Manière pas forcément
nouvelle, mais qui fut occultée, ou à tout lemoinsmarginalisée, il faudra
voir pourquoi, tout au long de la modernité. Et la liaison augustinienne
entre vérité et «
caritas
» est opportune, si on s’accorde, dans l’optique
phénoménologique, à reconnaître que le propre de la vérité est d’être
ce qui se découvre et se « dévoile ».
En la matière, dévoilement de la secrète permanence de l’
affect
dans
le jeu sociétal. La reconnaissance que la vie, en son sens plénier,
seule a ses droits. C’est bien cela qui différencie la pensée abstraite,
unilatérale, ne voyant qu’un seul côté du « Réel », de la pensée
concrète sachant en repérer l’aspect pluriel. Il faut donc trouver
ces mots sachant faire advenir les choses. Mots qui en dévoilant
ces dernières révèlent leur intime vérité.
Mais, pour apprécier le rôle de l’affect, pour repérer la logique propre
à «
 l’ordo amoris
» (Max Scheler) il est nécessaire, à l’encontre de ce
qu’il est convenu de nommer la « correctness » (unilatérale, univoque),
d’admettre que ceux qui ont pour fonction de dire
ce qui est
ne soient
que l’écho d’une antique mémoire, c’est à dire de la TRADITION. Être
un écho du fait que la vie ne se divise pas ; et que la vérité de la vie
elle-même est indivisible.
En bref, on ne peut pas comprendre le passé si l’on ne tient pas compte
de son « Éros ». Il en est de même pour ce qui concerne l’atmosphère
mentale caractérisant l’époque présente. On peut même dire que l’on
est tributaire des manies et des folies dont on hérite. Un peuple est
toujours soumis aux passions et émotions venant de fort loin, et qu’il
est vain de croire dépassées. Préjugés idéologiques, réactions raciales,
us et coutumes divers, pratiques langagières spécifiques, idiotismes
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