Cahier numéro 1 - page 22

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L’altruité, ou le devoir de la liberté
Il est couramment admis que la liberté des uns s’arrête là où commence
celle des autres, et donc que la liberté a forcément des limites dans toute
vie en société. Mais si on l’aborde sous l’angle des libertés individuelles,
on s’aperçoit que la liberté des uns est également construite grâce à
celle des autres. Si je suis trop pauvre pour acheter du pain, je souffre
d’un déficit de libertés individuelles. Mais si j’en ai les moyens, il faut
encore un boulanger pour faire le pain et le vendre. Dans l’approche
contextuelle et pragmatique des libertés individuelles, l’idée de
liberté doit aussi se fonder sur la nécessaire interdépendance entre
les hommes, au demeurant de plus en plus évidente dans un monde
en globalisation.
La liberté des uns est donc aussi bien construite que
limitée par celle des autres
.
Le postulat qui fonde la suite de ma démarche est qu’il n’existe pas
de droit sans qu’un devoir lui soit associé. Or il est un droit que nous
reconnaissons unanimement comme fondamental : c’est le droit à la
liberté. Quel est alors le devoir qui lui correspond ? Lorsqu’on se place au
niveau contextuel, celui des libertés individuelles, la réponse apparaît
clairement. C’est le devoir de contribuer à la construction des libertés
individuelles des autres. C’est ce que j’appelle
le devoir individuel
d’altruité
. Et, en revenant à l’idée universelle de liberté, on parvient à
l’énoncé suivant :
au droit à la liberté correspond un devoir d’altruité
,
l’altruité étant définie comme : «
engagement délibéré à agir pour la
liberté des autres
». Dans cette définition, l’engagement à agir pour la
liberté des autres renvoie à une forme d’altruisme. Quant à l’adjectif «
délibéré », il implique une réflexion sérieuse. L’engagement délibéré
à agir pour la liberté des autres est donc une variante très spécifique
d’altruisme rationnel. Après la publication de mes deux ouvrages sur
cette question, j’ai constaté à l’usage que les nombreuses significations
véhiculées par le terme altruisme interféraient avec le sens très spé-
cifique que je voulais lui donner. Pour éviter toute confusion, j’ai donc
créé le terme d’altruité que j’utilise désormais.
Au va-et-vient intellectuel entre « libertés individuelles » et « liberté »,
correspond un même mouvement entre « devoir individuel d’altruité »
et « devoir d’altruité ». C’est au niveau contextuel que s’introduit l’idée
essentielle d’une
proportionnalité
entre libertés et devoir d’altruité de
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