La principale inflection est qu’elle touche à présent de plus en plus
de gens qui travaillent. Près de 2 millions de travailleurs vivent dans
la pauvreté
4
. Selon les définitions, les travailleurs pauvres français
seraient entre 1,9 et 3,3millions. En cause : les faibles salaires, le temps
partiel et l’alternance de phases d’emploi et d’inactivité.
En France,
50 % des personnes pauvres ont moins de 30 ans
5
. La
pauvreté touche en premier lieu les enfants, les adolescents et
les jeunes adultes (20-29 ans) dont plus d’un sur dix est pauvre.
Dans les zones urbaines sensibles (ZUS), ce taux peut dépasser
40%. Cependant, les jeunes sortent plus facilement de la pauvreté
contrairement aux seniors (8,8 % des plus de 65 ans vivent sous
le seuil de pauvreté en 2012) pour qui cette situation est souvent
plus durable.
34,5 % des familles monoparentales sont pauvres
6
. Les familles
monoparentales et les personnes seules sont davantage affectées
par la pauvreté que les personnes en couple. Les mères seules
vivant sous le seuil de pauvreté sont ainsi particulièrement nom-
breuses.
70%des travailleurs pauvres sont des femmes
7
. 15%des femmes
vivent en dessous du seuil de pauvreté fixé à 60 % du revenu
médian, contre 13,6 % d’hommes, tous âges confondus. En cause :
les facteurs cumulatifs de précarité auxquels sont exposés les
femmes (le temps partiel, la charge d’enfants à élever seules, la
faiblesse des niveaux de diplôme, etc.).
43,6 % des personnes pauvres n’ont aucun diplôme
8
.
Le surendettement
Le surendettement est aussi une conséquence directe de l’évolution
de notre société de consommation. Les organismes bancaires se sont
eux-mêmes développés par leurs offres de crédit à la consommation
sans forcément faire attention aux capacités de remboursement de
leur clientèle. Les gens consomment plus que leurs moyens ne leur
permettent de rembourser. L’endettement accentue le stress et est
souvent source d’escalades de problèmes : trop de crédits, pas assez
pour payer ses frais incompressibles (loyer, électricité, etc.) pouvant
aller jusqu’à la perte du logement. Même si aujourd’hui les crédits à la
consommation ont fait l’objet d’une plus grande réglementation, les
industries comme l’automobile ou les biens d’équipements électromé-
nagers reposent sur la vente à crédit. Toutes les enseignes de la grande
distribution disposent de leur propre ligne de crédit pour accompagner
la vente de leurs biens et services.
La gestion des contraintes
Les personnes qui s’adressent à nos services sociaux le font la plupart
du temps parce que leurs ressources sont limitées et ne leur permettent
pas de faire face à leurs dépenses contraintes. Dans les Hauts-de-Seine,
plus de 55 000 parents élèvent seuls leur enfant, et parmi eux une
grande majorité de femmes.
Dans l’accompagnement social et budgétaire, les travailleurs sociaux les
aident à maîtriser au mieux ces dépenses contraintes : renégociation
et/ou résiliation de contrat, mensualisation des charges, résorption de
l’éventuel endettement. L’essentiel des efforts visent à prioriser les
charges de logement et d’alimentation. De ce fait, les plaisirs quotidiens
passent au second plan et dans la plupart des situations doivent être
supprimés. Souvent, les sorties, les vacances sont inenvisageables, les
dépenses, même de santé, sont repoussées aumaximum. Hormis le fait
que cela constitue une perte de liberté, ces efforts, ces renoncements,
nécessitent une attention permanente, une contrainte quotidienne.
La seconde contrainte à laquelle sont confrontées les personnes est la
contrainte sociale, c’est-à-dire le fait de ne pas pouvoir accéder à des biens
ou des services. La frustration est accentuée et entretenue par la publicité
et les incitations de toute sorte à consommer. On sait que l’argent ne fait
pas le bonheur, puisque l’ennui touche les personnes fortunées comme les
précaires.Cequelesdernièresrecherchesscientifiquesmontrent c’est que
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(4) INSEE, données 2011.
(5) INSEE, données 2010. Pour un panorama plus exhaustif de la précarité en
France, se reporter au
Cahier des EAK
« Sortir de la pauvreté » ainsi qu’au rapport
« Entreprises et clients précaires en France, État des lieux et pistes d’action », IMS
Entreprendre pour la cité, mai 2014.
(6) Étude INSEE, « Revenus disponibles localisés », 2011.
(7) Conseil économique, social et environnemental, rapport « Femmes et précarité »,
2013 (statistiques 2010).
(8) INSEE, données 2010.