Cahier numéro 4 - page 36-37

et vous verrez le statut des femmes s’améliorer. N’allez pas
sur le terrain religieux car il n’est pas négociable. Je ne nie
pas l’influence du religieux, je dis simplement que passer
par là ne sert à rien : il vaut mieux passer par le sentiment
de sécurité. Or c’est votre rôle à tous, d’une certaine façon,
que de faire en sorte que le sentiment de sécurité d’une
population s’améliore : c’est le meilleur moyen de défendre
le statut des filles.
Quand on demande aux filles pourquoi elles se voilent, elles
disent que c’est pour des raisons religieuses.
Dans tous les groupes les on-dit jouent un grand rôle. Dans
ce cas, vous pouvez demander quel est le verset du Coran
qui ordonne cela. Vous constatez une difficulté à répondre…
Il s’agit en fait de la sourate 24, verset 31, qui impose aux
femmes de cacher leurs seins et leurs ornements… C’est
tout. Rappelons que les jeunes filles en France avaient
interdiction jusque dans les années soixante de porter des
nus-pieds à l’école !
Une autre définition de la culture
Ici comme ailleurs, il devient alors possible de donner une définition de
la culture : « ensemble des solutions qu’un groupe d’hommes a imagi-
nées pour relever les défis de son histoire ». Une fois cette définition
proposée, il est tentant de donner une définition de la culture de l’Autre :
« ensemble des solutions qu’il a imaginées pour relever des défis que je
n’ai pas encore connus ». S’intéresser à l’Autre, c’est s’intéresser à des
solutions pour des problèmes à venir. En quelque sorte, l’Autre n’est pas
un problème, c’est une solution !
Une donnée sociétale d’actualité : le doute sur
la paternité
Avec ces éléments on pourrait étudier un grand nombre de questions.
Nous allons aujourd’hui simplifier et évoquer rapidement une question
en fait essentielle, qui se pose à la naissance d’un enfant. Qui est la
maman ? La réponse est simple. Qui est le papa ? Il y a place pour le
doute. Et la façon dont un groupe social gère le doute sur la paternité
est un élément central de l’organisation familiale et sociale. Citons-en
un : gérer le doute par l’affirmation. On affirme que le papa c’est lui, et
on donne à l’enfant le nomde son père. On donne aux enfants le nomdu
père parce qu’on sait déjà qui est la mère ! Des notions aussi fondamen-
tales que celle-là sont aujourd’hui oubliées.
D’autres sociétés tentent de gérer autrement le doute sur la paternité,
en donnant aux hommes un rôle destiné à tenter d’équilibrer le rôle
de la femme. L’hindouisme le dit de façon très formelle. Cette religion
comporte le principe de la réincarnation, déclinaison particulière de
l’accès à la vie éternelle. Pour que la réincarnation ait lieu, après la mort,
le bûcher de crémation doit être allumé par le fils du défunt. Bien sûr
certains vont alors encore exprimer une colère bien sentie sur le choix
d’un garçon pour assurer cet acte. Mais si on prend le temps de réfléchir,
on peut se demander pourquoi au garçon ? Pour réserver aux seuls
garçons le soin de poser les actes symboliques qui permettent d’accéder
à la vie éternelle, sachant que par ailleurs nous n’accédons à la vie que
par les filles. Il s’agit là bien sûr d’un mécanisme de rééquilibrage des
rôles. Au point de départ il y a une réalité : nous n’accédons à la vie que
par les filles. Dans toutes les sociétés il y a une interrogation : comment
rééquilibrer cela ?
Le choix hindouiste obéit à une logique forte. Tant qu’il y a une forte
natalité, cela ne pose pas de problème, mais si la natalité est contrôlée,
réduite pour lutter contre l’explosion démographique, alors il y a un
risque : si les parents n’ont droit qu’à un enfant, il faut que ce soit un
garçon, car la naissance d’une fille priverait les parents de l’accès à la vie
éternelle. La mort dans l’âme les parents se voit alors contraints de se
débarrasser du fœtus féminin, dans l’espoir qu’un autre enfant soit de
sexe masculin, et leur permette alors d’accéder à la vie éternelle. Il y a
une logique forte dans cette pratique, et la culture est bien un ensemble
de solutions… Je ne dis pas que c’est bien, je dis que c’est une logique
rationnelle, avec une cause et une conséquence. En Chine, le culte des
ancêtres obéit à la même logique – pratiqué par les hommes – ; il a les
mêmes conséquences sur les infanticides de filles, et aujourd’hui sur les
« avortements thérapeutiques »… Il manque aujourd’hui au moins cent
quarante millions de filles en Asie.
Maintenant il est aussi possible d’aller voir le prêtre catholique de sa
paroisse et de l’interroger sur les raisons pour lesquelles il n’y a pas
de femmes prêtres dans l’Église catholique romaine…. Au-delà de la
réponse théologique – Pierre et les apôtres sont des hommes – vous
devinez en filigrane la réponse anthropologique : il faut réserver aux
seuls garçons les actes symboliques qui permettent d’accéder à la vie
34
35
1...,16-17,18-19,20-21,22-23,24-25,26-27,28-29,30-31,32-33,34-35 38-39,40-41,42-43,44-45,46-47,48-49,50-51,52-53,54-55,56-57,...60
Powered by FlippingBook