éternelle, sachant que par ailleurs on n’accède à la vie que par les filles…
Sur ce sujet, quelle est la différence entre l’Église catholique romaine,
l’hindouisme, le culte des ancêtres, l’islam… ? Il s’agit bien d’une réponse
quasi-universelle à une question qui l’est tout autant. Cet outil de lec-
ture du comportement des hommes a un énorme inconvénient pour cer-
tains : il rapproche les hommes… Pourquoi les rapprocher ? Nous sommes
de plus en plus nombreux sur la terre, dans un espace qui ne grandit
pas, nous sommes donc condamnés à vivre de plus en plus proches les
uns des autres. C’est une grille opportune. Par contre proposer des lec-
tures qui éloignent les hommes les uns des autres au moment où nous
sommes obligés de nous rapprocher paraît un peu aberrant, même si
cela se fait couramment !
Peu à peu cette grille dessine une humanité commune.
Les sociétés matrilinéaires…
Mais d’autres groupes sociaux raisonnent autrement : puisqu’il y a doute
sur la paternité, le plus simple est de ne pas confier au papa supposé
tous les attributs de la paternité. Il n’est pas chargé de toute l’autorité
paternelle, il n’est chargé que de nourrir ses enfants, ou plus précisé-
ment les enfants de la femme dont il partage la vie, qui seront réputés
les siens… La maman a toute l’autorité maternelle pour une raison
simple, on est sûr qu’elle est la mère. Du coup, le personnage central
dans le couple est lamère, et les enfants ne sont rattachés qu’au groupe
de leur mère. Ce sont les sociétés matrilinéaires. L’autorité masculine
est donnée au seul homme qui entretienne avec l’enfant une relation
évitant tous les liens de paternité, puisqu’il s’agit d’en gérer le doute :
l’oncle, le frère de lamère, devient le dépositaire des attributs d’autorité
masculine sur ses neveux. D’ailleurs quand on lui demande pourquoi il a
presque plus d’autorité sur ses neveux que sur ses enfants, la réponse
fuse : « Mes neveux, eux, je suis sûr qu’ils sont de ma sœur. Ma maman
est leur grand-mère ». Sous-entendu : ma maman n’est peut-être pas la
grand-mère de mes enfants… C’est évidemment une gestion des incer-
titudes très rationnelle. Dans un contexte où les gens n’ont pas le droit
de se tromper, ils sont ou rationnels ou morts. On retrouve ce schéma
en République démocratique du Congo, au Rwanda, aux Comores, dans
certaines régions du Congo, de l’Angola, de la Côte d’Ivoire et ailleurs
encore.
Le problème est que ces familles, qui fonctionnent comme cela, et qui
migrent en France, n’ont aucunement conscience d’avoir un système
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familial différent de celui qui est implicitement admis en France, plutôt
patrilinéaire. Les travailleurs sociaux qui suivent ces familles n’ont pas
toujours été formés sur ces notions d’anthropologie, et ils n’en parlent
pas plus que les familles. C’est le cas typique du conflit d’implicites
culturels. Or, l’administration fait savoir par diverses formes de pression
qu’il serait souhaitable que les enfants ne soient sous la responsabi-
lité que d’un homme et d’une femme, le papa et la maman. Or dans un
système patrilinéaire, les enfants sont sous la responsabilité de trois
adultes – au moins, nous simplifions une réalité encore plus complexe –.
Alors, pour passer de trois à deux, les familles peuvent être tentées
d’écarter le personnage le moins important des trois : le papa. Alors
dans certains cas on pourra voir des femmes qui sont dans un apparte-
ment avec leurs enfants… et leur frère, de façon à éduquer au mieux les
enfants. L’absence du père, peut-être resté au pays avec sa propre sœur
et ses propres neveux, n’est pas comprise par les services sociaux qui
pourraient en déduire une sorte d’abandon paternel… Si en plus le petit
dernier qui a deux ans, pour s’exercer à ses premiers mots, appelle le
frère de samère « Papa », tout est en place pour que cette famille fasse
l’objet d’un signalement… sous couvert de protection de l’enfance ! Et
cela alimente la machine à rumeurs qui sous-entend en permanence
que, dans ces familles, les papas n’ont pas le sens des responsabilités.
Il faudrait dire de façon explicite que notre système familial est basé sur
un système patrilinéaire, et que près d’unmilliard d’habitants continuent
à s’organiser sur un système matrilinéaire pour éviter d’alimenter tous
les jugements négatifs sur l’autre.
Question : À l’instar de la précédente intervention sur les
monnaies complémentaires, cela nous oblige à comprendre
dans quel type de culture notre interlocuteur évolue. Et cela
nous ouvre des possibilités en direction du dialogue des
cultures, du dialogue des religions…
Réponse : Si chacun avait en tête les implicites culturels de
l’autre, un très grand nombre de difficultés disparaîtraient.
Sociétés de la relation/sociétés de la
fonction : la question existentielle et le rapport
au travail, la perte de sens
Tous les groupes culturels vont être menacés non seulement par la
diminution du nombre de femmes, mais aussi et surtout par la division