Cahier numéro 4 - page 52-53

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La précarité a tendance à délégitimer la personne morale. D’où l’impor-
tance de passer par la personne physique, qui apporte sécurité et per-
met ensuite, et seulement ensuite, d’aborder la règle.
De ces quelques exemples, ici présentés de manière non exhaustive,
nous retenons que les différences de logiques permettent de lever des
barrières de préjugés. Les nationalités et religions ne peuvent à elles
seules expliquer nos différences car nous fabriquons des visions du
monde au-delà de nos nationalités et religions.
Enfin, le succès dans la mise en œuvre de politiques et de solutions de
sortie de la précarité passent par la non exclusivité et l’addition des
logiques ainsi que par une dynamique sociale.
Ces leviers nous permettent d’appréhender de multiples domaines
d’intervention sociaux bien au-delà de celui de la précarité.
Carine Dartiguepeyrou
Secrétaire générale
des Entretiens Albert-Kahn
La précarité peut être abordée selon trois points d’entrée. Elle peut
signifier différentes choses selon si elle est vécue comme « la mort
assumée », comme « l’absence de choix » ou comme « la faible capa-
cité à contrôler les incertitudes ». L’initiative peut être vue comme une
opportunité et comme un risque qui peut même conduire jusqu’à lamort.
La prise de risque variera considérablement selon la personne, si sa vie
est en jeu ou qu’elle doit faire face à l’absence de choix ou plus simple-
ment gérer des incertitudes. On peut également se sentir en précarité
sans forcément l’être véritablement.
Nos sociétés ont évolué vers plus de sécurité depuis la révolution agro-
industrielle du XVIII
e
siècle, mais avec un retour de la précarité depuis
vingt ans. Pour sortir de la précarité, il faut continuer « à faire pareil
en faisant mieux ». La dynamique doit être complémentaire et non
par substitution. C’est là une des leçons majeures de l’exposé de Clair
Michalon.
Sortir de la précarité, c’est poser les jalons d’une dynamique sociale.
C’est exister dans le regard de l’Autre. Car pour certains, faire autrement
ne veut pas dire mieux faire. Pour ceux dont la précarité est extrême,
vivre c’est d’abord survivre car changer peut conduire à la mort. Et selon
cettemême logique, pour survivre à long terme, il faut faire des enfants
alors que, pour d’autres, la question se pose plutôt en termes de faire
mieux en faisant moins.
Il existe une distorsion temporelle énorme car la précarité a toujours
existé alors que la sécurité est née avec la révolution industrielle. Les
statuts homme/femme divergent en termes de précarité, mais plus le
statut de sécurité augmente, plus les statuts homme/femme conver-
gent. Il existe d’autres distorsions comme, par exemple, celle enmatière
de structure familiale. Le système matrilinéaire est dominant dans le
monde et pourtant nous imposons un système patriarcal.
Clair Michalon montre, par ailleurs, qu’il existe plusieurs moyens de se
socialiser. On peut être par d’où l’on vient (« je suis le fils de ») et être
par ce que l’on fait (« j’existe par ma fonction »). Les deux obéissent à
des logiques différentes, relationnelle et fonctionnelle, mais lorsqu’il
s’agit de les mettre en œuvre, elles peuvent être pensées de manière
additionnelle et non exclusive.
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