Cahier numéro 5 - page 14-15

grammatical », c’est-à-dire que c’est un verbe auxiliaire qui s’écrit en
minuscules et qui n’a de sens qu’avec des compléments. C’est un pou-
voir de création qui est démultiplié par la coopération ; alors que quand
on en fait un substantif, qu’on l’écrit en majuscules et qu’il se suffit à
lui-même, à ce moment-là on est du côté du pouvoir de conquête. Et là,
le couple qui se met en place ce n’est pas création/coopération, c’est le
couple domination/peur. Peur des dominés face aux dominants et peur
des dominants entre eux parce que ce pouvoir qu’ils ont eu tant de mal
à conquérir, ils ont peur de se le faire reprendre.
La mutation dont nous avons besoin nécessite une grande qualité d’in-
telligence : intelligence mentale mais aussi intelligence émotionnelle,
l’humanité est un réseau pensant grâce aux nouvelles technologies de
l’information et de la communication. Mais elle ne peut réussir que si ce
réseau pensant apprend aussi à être un réseau confiant, voire – osons
le mot – un réseau aimant. La grande question de l’humanité – et les
traditions de sagesse nous le rappellent – c’est que c’est une espèce qui
a du mal à s’aimer.
Comment l’humanité progresse-t-elle dans sa propre qualité relation-
nelle, dans sa propre qualité d’amour, non seulement dans son rapport
à elle-même, dans son rapport à autrui, mais aussi dans son rapport à la
nature et à l’univers ?
Ce leadership-là, dont nous avons impérativement besoin, n’est pas
un leadership de domination qui infantilise les êtres humains et qui
nous conduit à de nouvelles guerres et notamment à des guerres de
civilisations. Parce que comme le note Joseph Stiglitz, le pendant de ce
qu’il appelle le « fondamentalisme marchand », le fondamentalisme
identitaire, quelles que soient ses formes, qu’elles soient religieuses ou
nationalitaires nous fait retomber dans des logiques guerrières. Nous
avons besoin, au contraire, d’un leadership qui mène l’humanité, qui
mène ce peuple humain en formation dans la voie de sa propre huma-
nisation, dans la réussite du meilleur de l’humanité et dans la capacité
d’autoprotection contre le pire de notre humanité et de notre inhumanité
qu’est notre propre barbarie intérieure. On aura deux types de leaders
qui vont ressembler davantage à de nouveaux Gandhi, à de nouveaux
Luther King, à de nouveauxMandela plutôt qu’à de nouveaux Alexandre
ou de nouveaux César. On est alors au cœur, non seulement des valeurs
forces de vie mais de comportements qui sont en cohérence avec des
forces de vie, qui permettent aux êtres humains d’accéder pleinement
à leurs propres potentialités créatrices. Et on est au cœur d’un axe qui
associe la transformation sociale et structurelle à la transformation
personnelle telle que, par exemple, une initiative citoyenne comme le
Pacte civique le décrit de façon régulière en associant des engagements
de transformation personnelle, des engagements de transformation
collective et des engagements de transformation structurelle.
Patrick Viveret
Philosophe
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