Cahier numéro 2 - page 12-13

la plus grosse crise est encore devant nous. J’ai franchement pensé
en 2007/2008 que le choc était suffisant, j’ai été étonné que l’on soit
parvenu à absorber ce choc même si on n’a pas fini de l’absorber. On
en a encore pour dix ans, mais on fait maintenir l’idée qu’il ne faut rien
changer structurellement. Je prétends que la cause est
systémique
, et
qu’il faut donc une solution
systémique,
le rôle d’une monnaie complé-
mentaire étant justement cela.
Ceci n’est pas une opinion, c’est basé sur quelque chose de très fonda-
mental : l’entropie, la seconde loi de la thermodynamique, qui est plus
fondamentale que la gravité. Nous avons pu démontrer qu’unmonopole
monétaire, géré par qui que ce soit, n’est pas durable et se cassera la
figure de façon répétitive.
Je vais donner ensuite quelques exemples de monnaies qui existent
dans le monde ou qui pourraient être appropriées pour le département
des Hauts-de-Seine.
La crise de 2007-2008 est la plus grosse depuis les années1930, c’est
bien connu. Mais on la traite comme si c’était la première. On parle de
la
crise, on ne parle pas
des
crises. Depuis 1970, il y a eu 145 crashs
bancaires comme celui que nous avons eu en 2007/2008, auxquels
il faut ajouter 208 crises monétaires, c’est-à-dire lorsque la monnaie
s’effondre comme dans le cas de la Grèce mais ce qui est aussi possible
avec l’euro. Enfin, il y a eu 72 crises de dettes souveraines, du genre de
ce que vivent maintenant la Grèce et l’Espagne.
En tout, cela fait 425 crises, soit plus de 10 par an ! Alors plus de 10 par
an, je pense que si c’était une voiture ou un avion qui avait ce genre
de résultats, on aurait renvoyé ce modèle aux oubliettes ! Est-ce qu’il
ne faudrait pas repenser la chose à fond, et ne pas mettre encore un
emplâtre sur une jambe de bois, ce que l’on est en train de faire ?
La base demon affirmation vient dema collaboration, depuismaintenant
sept ans, avec Robert Ulanowicz, le fondateur du département d’Écologie
quantitative à l’université de Maryland. Il a passé toute sa vie profes-
sionnelle à mesurer ce qui se passe enmilligrammes par mètre carré par
an, dans toute une série d’écosystèmes naturels.
Il y a des milliers d’écosystèmes naturels très différents. Tous ces
écosystèmes ont en commun d’être durables, sinon ils n’existeraient
pas. La question intéressante que nous avons explorée ensemble est :
qu’est-ce que tous ces systèmes ont d’autre en commun ?
Ils sont tous des réseaux de flux complexes dans lesquels la biomasse
circule. De plus, il y a un équilibre entre deux variables émergeantes de ce
système. L’une est l’efficacité, c’est-à-dire la capacité du système à faire
circulerduvolumedebiomasseparan.Etl’autre,larésilience,estlacapacité
du système à changer, à s’adapter lors d’une attaque, d’unemaladie, d’un
changement de l’environnement. Aussi bien l’efficacité que la résilience,
à leur tour, dépendent de deux variables structurelles : la diversité et
l’interconnectivité. Dans un écosystème naturel, la diversité correspond
aux plantes et aux animaux ; l’interconnectivité à qui mange quoi.
Ces variables ne dépendent que de la structure du réseau.
Dans un réseau écologique, la résilience est environ trois fois plus
importante que l’efficience. Dans nos systèmes humains comme, par
exemple, le système économique, la monnaie circule exactement
comme dans un réseau de flux complexes. Et pourtant la résilience
n’est même pas prise en compte, seule l’efficacité est tenue en
compte. On mesure, par exemple, le Produit national brut par tête,
qui représente la quantité de monnaie dite nationale qui circule dans
une économie. Le domaine économique ou financier ne connaît pas le
concept de résilience.
Vous pouvez penser qu’il s’agit d’une métaphore, mais ce n’est pas une
métaphore. Les variables que sont la diversité et l’interconnectivité
structurent le réseau. Ces variables ne dépendent que de la structure
du réseau. Ce qui implique que deux réseaux de flux complexes avec la
même structure vont réagir de la même manière, indépendamment de
ce qui circule dans ces réseaux.
D’où le fait que les conditions de stabilité que nous trouvons dans un
écosystème naturel peuvent s’appliquer à tout autre réseau complexe
de même structure. Par exemple, à un circuit de distribution électrique.
Vous vous souvenez peut-être des grands blackouts, comme on les a
appelés, où lamoitié des États-Unis était tombée en panne d’électricité,
ou de ce qui s’est passé dans le Nord de l’Allemagne, des pays pourtant
technologiquement développés. Pourquoi cela ? L’efficacité a été
poussée trop loin, réduisant la résilience, et le résultat, c’est l’instabilité.
Cela peut également se passer dans certaines maladies du système
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