La seconde révolution est celle de l’
économie circulaire
. Elle apporte
une nouvelle vision de la gestion de la matière. D’un modèle « j’extrais,
je transforme, je consomme, je jette », l’industrie cherche à récupérer
la matière utilisable. Les modèles d’écologie industrielle, où des parcs
industriels se structurent en écosystèmes, réalisent jusqu’à 30 %
d’économie de matière première et de consommation d’énergie
26
. En
Île-de-France, l’autopartage diminue le parc automobile des abonnés
de 23% à 66% et l’encombrement de l’espace public de 2 à 6 places
de stationnement par véhicule autopartagé
27
. Dans ces modèles de
vente d’accès à l’usage, la régénération de la matière première peut
aller jusqu’à 90 %
28
. Généralisée cette logique pourrait faire basculer le
centre de gravité des places de marché du mondial au local
29
.
La troisième grande révolution est celle de l’
économie collaborative et
« du pair à pair »
. En pleine croissance notamment depuis le milieu des
années 2000, elle concerne la société. Avec l’arrivée d’Internet, les sys-
tèmes d’entraide, de partage des connaissances, de co-production qu’on
connaissait à l’échelledes villages deviennentmondiaux. Lepair à pair est
une production libre et repose sur la collaborationd’acteurs autonomes et
reliés. L’économie du pair à pair est une économie créatrice de communs.
Elle s’étend aujourd’hui à tous les domaines de l’économie, conception,
production, échanges y compris monétaires, entrepreneuriat et de plus
en plus, le pair à pair s’étend aux modes de gouvernance. Si les modèles
savent encore mal redistribuer la valeur, ils commencent à trouver leurs
modèles économiques, via la création de licences adaptées et de struc-
tures juridiques telles que des coopératives ou des fondations.
Prises ensemble, ces trois révolutions touchent toutes les activités
humaines : l’agriculture, l’énergie, la construction, la production de biens
et services…
Leur conjonctionest stratégique car elles touchent à trois grands éléments
socles de l’économie : la technosphère, la biosphère et la sociosphère.
Et surtout, il apparaît que les acteurs ont développé les mêmes façons
de se structurer.
Six principes communs de fonctionnement
Ladécouvertemajeureréaliséeensecentrantsurlefonctionnementdeces
nouveauxmodèles capables d’inverser la tendance d’une production d’ex-
ternalités négatives à celle d’externalités majoritairement positives, est
que,quellequesoitleuractivité,cesacteursontprocédédelamêmefaçon.
Leur efficience repose systématiquement sur un fonctionnement col-
laboratif, bien que n’excluant pas la compétition ; sur la culture d’une
diversification des ressources, qu’elles rassemblent sur des territoires
communs de flux de nature physique, ou de nature immatérielle comme
des territoires d’intérêts ou de valeurs ; sur l’utilisation des services ren-
dus par les écosystèmes qu’ils soient vivants, humains ou industriels qui
renouvellent matière, fonctions, et informations, à un niveau qui peut
être supérieur à celui initial. Cette faculté est le socle leur permettant
d’améliorer la compatibilité des activités humaines avec les équilibres
biogéochimiques et physiologiques de la planète, soit en concourant à
diminuer leurs impacts, soit en en les régénérant.
Ces observations ont conduit à déterminer les six principes suivants :
1.
la compatibilité avec les équilibres planétaires
: il préside au maintien
des conditions de renouvellement des ressources ;
2.
l’utilisation des services issus des écosystèmes
: il préside au renou-
vellement des ressources, qu’elles soient des biens ou des services ;
3.
l’efficiencemaximale
: il préside à laminimisation de la dispersion des
ressources pour un service rendu ;
4.
la collaboration
: il définit l’architecturedesfluxet présideà la rencontre
libredes ressourcesentreellesde façondirecteouavecun intermédiaire
maximum ;
5.
la territorialisation
: il préside à la circulation équipotente des ressources
dans un espace commun ouvert ou fermé ;
6.
la diversité des ressources et capacitésmises en circulation
: il préside
à la présence des facteurs de production indispensables à l’économie
et au maintien de leur individuation.
Couvrant toutes les activités économiques, structurées de la même
façon, ces logiques économiques et productives assemblées forment
un système économique complet.
La publication académique des résultats de cette recherche est en cours :
ces six principes, associés aux trois sphères d’influences mentionnées
et aux champs de la production, de la consommation finale et de la
60
61
(26) S. Erkman,
Vers une écologie industrielle
, Éditions Charles LeopoldMeyer, 2004.
(27) 6-T, ADEME,
L’autopartage en trace directe : quelle alternative à la voiture
particulière ?
, 2014.
(28) J. Van Niel, « L’économie de fonctionnalité : principes, éléments de terminologie
et proposition de typologie »,
Développement Durable et Territoires
,
5
(1), février
2014. Récupéré sur
http://developpementdurable.revues.org/10160(29) D. Cohen,
Sortie de crise. Vers l’émergence de nouveauxmodèles de croissance ?
,
Centre d’analyse stratégique, Paris, 2009.