ENTRETIENS AK - Cahier n° 13 avec couv - page 22

doit s’adapter aussi à l’individu particulier avec lequel il agit, apprendre à
connaître ses préférences, sesmanières de se déplacer. Dans le cadre de
la domotique, le robot peut être un élément d’un système qui doit pouvoir
détecter un comportement inhabituel non seulement pour lancer une
alerte, mais pour intervenir éventuellement lui-même.
Ce sont des sujets sur lesquels sont menés plusieurs travaux de
recherche. Dans vingt ans, ces travaux auront abouti à des produits
opérationnels. Nous travaillons non seulement dans le domaine de la
recherche dans les universités, dans les laboratoires, mais aussi avec
des industriels pour que ces recherches aboutissent à une réalité utile.
Une autre question soulevée est celle de l’éthique : quand on met une
machine, un robot capable de perception, de décision et d’action en
présence d’un être humain, et en particulier d’un être humain qui a une
certaine dépendance, la première question éthique que l’on se pose est
celle de la dignité humaine : en quoi la présence de cettemachine et son
utilisation peut-elle augmenter ou réduire le sentiment de dignité ?
Je n’ai pas de réponse à cette question, c’est une question dont la
collectivité doit s’emparer et à laquelle il faut réfléchir. Mais comparons,
par exemple, cette situation à celle où une personne apporte de l’assis-
tance à une personne âgée, à une personne dépendante. Le fait que
ce soit une machine pourrait permettre d’augmenter le sentiment de
dignité, parce que la personne dépendante devient plus autonome en
utilisant une machine, elle n’est pas obligée de compter sur quelqu’un
à qui elle est obligée de demander un service. Elle maîtrise la machine,
le robot, et cela lui donne un certain sentiment de contrôler la situation
qui n’est pas celui qu’elle a avec une autre personne. Il ne s’agit pas de
remplacer l’assistance humaine par une machine. Mais dans certaines
situations, le fait que l’aide vienne d’un autre être humain gêne énor-
mément, alors que si l’on est autonome, ce sentiment est réduit. Ce qui
signifie que le fait d’avoir une machine peut non seulement apporter
plus d’autonomie, mais aussi augmenter le sentiment de dignité.

Un autre sujet lié à l’éthique est le respect de la vie privée, car le robot
sera capable de collecter des données, des images sur la personne
assistée. Ces données doivent être protégées et gérées dans un cadre
juridique approprié.
Nous avons aussi parlé d’acceptabilité qui est un vrai sujet, bien que je
n’aime pas trop ce terme parce qu’il donne l’impression qu’on cherche
à forcer les gens. De fait, il s’agit de ne pas poser cette question trop
tard. Prenons l’exemple de l’iPhone : tout le monde a envie d’acheter un
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Il ne faut pas considérer la technologie uniquement orientée vers les
personnes âgées. De quels moyens technologiques disposons-nous ?
Heureusement que nous disons « dans vingt ans » dans l’intitulé de
cette journée. Car les technologies que nous considérons aujourd’hui,
celles sur lesquelles nous faisons des recherches, mettent bien vingt
ans à arriver sur le marché, et c’est bien pour cela que nous sommes
concernés aujourd’hui en tant que chercheurs.
Qu’est-ce qu’un senior, malgré tout, par rapport à une personne qui n’est
pas désignée comme senior ? On pense tout de suite à la dépendance,
parce qu’il y a la dépendance physique : avec l’affaiblissement physique,
on a besoin d’une aide physique. Deuxième dépendance, la dépendance
intellectuelle, parce qu’on a aussi des symptômes de démence sénile,
etc. La technologie peut apporter à ces personnes dépendantes une
aide, et non pas une réponse.
Nous travaillons, par exemple, sur des déambulateurs intelligents qui
permettent à la personne non seulement de se déplacer, mais aussi de
se lever parce qu’ils peuvent exercer une certaine force pour relever
l’appui et positionner correctement la personne. C’est une sorte de
robot qui a des capteurs, des moyens d’interagir physiquement avec la
personne, qui est motorisé, qui peut mieux guider la personne dans son
déplacement. Ce n’est qu’un appareil qui peut être utilisé par une
personne qui a des difficultés à se déplacer, mais ce n’est pas suffisant.
Ces technologies peuvent arriver sur lemarché relativement rapidement,
elles sont en cours de maturation.
Mais le robot compagnon est l’objectif technologique et scientifique sur
lequel nous travaillons. Il s’agit de comprendre comment un robot, qui est
une machine, qui a des moyens de perception, d’action, de décision, de
déplacement, peut interagir facilement et naturellement avec les êtres
humains. Il faut pour cela que le robot comprenne les êtres humains,
qu’il sache que ce qu’il a en face de lui est un être humain, avec des
caractéristiques propres, c’est-à-dire quelqu’un qui a des capacités de
perception particulières, qui peut prendre des objets dans un certain
espace, qui n’entend pas forcément à très grande distance, qui, quand
il se déplace, se déplace à une certaine vitesse, qui n’aime pas qu’on
l’approche de trop près, etc.
Travailler sur la robotique, c’est donc aussi modéliser, comprendre les
actions des humains, pour permettre aux robots de mieux s’adapter à
eux, demieux les comprendre, demieux interagir avec eux par la parole,
par le geste, par l’action pour effectuer des activités conjointes. Le robot
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