ENTRETIENS AK - Cahier n° 13 avec couv - page 9

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ment articulés sur deux piliers : l’emploi, et, à un degré à peine moindre,
la famille. En France, plus encore que chez la plupart des pays partenaires
et concurrents, l’emploi est en panne et cette situation contribue à la
dualisation de la société. Quant à la famille, elle connaît, comme ailleurs,
depuis une quarantaine d’années, de très profondes altérations qui
confortent la montée de l’isolement. C’est dans cet environnement,
également caractérisé par une très inégale répartition spatiale des
hommes et des âges – unenvironnement en ruptureet unenvironnement
de ruptures – que va s’accentuer le vieillissement démographique.
L’emploi en panne
Lesystèmefrançaisdeprotectionsociale–quimêle,étroitement,fonctions
d’assistance et fonctions d’assurance – se caractérise par un mode
de financement majoritairement tributaire de l’emploi, les cotisations
sociales finançant pratiquement les deux tiers des dépenses totales.
Grand est malencontreusement l’hiatus, depuis les années 1970, entre
l’évolution de la population active et celle de la population effectivement
au travail. Malgré l’incontestable embellie constatée sur le marché du
travail à la fin des années 1990, les politiques d’emploi mises enœuvre
en France depuis une quarantaine d’années n’ont pas empêché le
chômage d’exploser : de moins de 3 % de la population active en 1970,
à plus de 12 % en 1996 et plus de 10 % actuellement. Quant au taux
global d’emploi (proportion de la population d’âge actif – 15-64 ans –
effectivement occupée), qui reflète mieux que le taux de chômage
l’intensité du recours au facteur travail dans une population, il est parmi
les plus faibles enregistrés dans les pays de niveau de développement
économique comparable (63 %, contre 70-75 %).
La dualisation de la société
Entre les privilégiés – au regard, plus particulièrement, de l’instruction
et de la formation, de l’emploi et des revenus, de la santé – et les plus
défavorisés, le fossé tend à se creuser.
-
Les exclus de l’instruction
. Diverses sont les enquêtes qui témoignent
d’une certaine « démobilisation scolaire », de décrochages et d’échecs
plus ou moins définitifs. Les sorties précoces du système scolaire ne
constituent certes pas une nouveauté, mais elles s’inscrivent dans un
contexte relativement nouveau de scolarisation longue de la jeunesse
française. De ce fait, ellesmarginalisent et stigmatisent beaucoup plus
profondément qu’hier.
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Le vieillissement démographique générateur
de ruptures
Le choc démographique auquel la société française se trouve désormais
pleinement confrontéepourrait remettreenquestion tout autant certains
acquis de la protection sociale que le rôle et le sort dévolus demain aux
plus âgés.
Vieillissement démographique et protection sociale
Jusqu’à présent, les effets économiques propres — observés en réponse
à la seule variation de la structure par sexe et par âge — du vieillissement
démographique sur le système français de protection sociale ont été
relativement faibles. Contrairement à une opinion, trop couramment et
très longtemps répandue, qui tenait ce phénomène pour le principal
responsable de la dégradation des comptes sociaux observée dans les
années 1970 et 1980, alors que cette dernière trouvait son origine
première dans le processus de généralisation-extension de la couverture
sociale et dans une crise économique plus longue et sévère que prévu par
les analystes. Cette faible incidence du vieillissement démographique
s’explique, entre autres, par la très longuemontée en charge du système
de protection sociale et par l’augmentation de la population active (
baby-
boom
, participation accrue des femmes aumarché du travail, immigration
des Trente Glorieuses) qui a conséquemment entraîné une répartition
sur un nombre plus élevé de cotisants de l’effort social de la Nation.
Le pouvoir « gris » : le risque démocratique ?
L’avance en âge des générations du
baby-boom
dans un corps électoral
qui, par ailleurs, va connaître un renouvellement moins rapide par sa
base va automatiquement conférer aux seniors un poids de plus en
plus important. De leur représentation électorale plus forte pourrait
découler un contrôle et un pouvoir d’autant plus accrus sur les agendas
et les politiques futures mises en œuvre que serait revu à la hausse
leur engagement politique : participation électorale simple (exercice du
droit de vote), participation politique active (engagement revendicatif :
pétitions, manifestations), intégration dans les structures politiques
(partis, gouvernement).
Le vieillissement démographique dans son environnement
Configurés au lendemain de la deuxième guerremondiale, les systèmes
socio-économiques des pays les plus développés sont plus particulière-
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