Previous Page  10-11 / 36 Next Page
Information
Show Menu
Previous Page 10-11 / 36 Next Page
Page Background

Première partie

Le contexte de la transformation des organisations

Un changement très profond de paradigme

Il est d’abord très important d’inscrire les changements que nous vivons

dans nos organisations en ce début de XXI

e

siècle dans une transfor-

mation bien plus large qui prend corps sur le terrain scientifique et

sociologique.

En effet l’évolution récente de la science (l’explosion de la puissance de

calcul, de stockage et de transmission des données, les machines intel-

ligentes, la réalité virtuelle, l’impression 3D, etc.) change notre façon

de décrire la réalité, nos représentations mentales, la vision du monde

couramment admise et notre paradigme, c’est-à-dire la

« structure ima-

ginaire produite par une époque à travers ses pratiques sociales, son

langage, son expérience du monde »

comme la décrivait Kuhn

1

.

L’expérience vécue par les hommes change au point de changer leur

vision du monde.

Comme le décrit si bien Pierre Giorgini dans son excellent ouvrage

La transition fulgurante

:

« Nous ne vivons pas une crise mais un

changement de monde »

qui provient de la combinaison d’une révo-

lution technoscientifique et d’un bouleversement dans la coopération

hommes/machines.

Le mode de pensée « arborescences et flux » cède le pas au

mode

« coopératif »

fondé sur l’intelligence de réseau grâce à la convergence

globale Internet.

Les activitésmobilisant

créativité et innovation

prennent le pas sur les

tâches rationnelles de gestion.

«

Chacun devient porteur d’une part d’universel au sein de communautés

interconnectées et est co-responsable globalement.

»

2

La circulation accélérée des informations permet de nouveaux modes

de collaboration (connaissance décloisonnée du monde, apprentissage

collectif,

open innovation

…) et de manière générale, nous assistons à

une vraie démultiplication de l’intelligence collective.

8

9

Par ailleurs, les NTIC (nouvelles technologies de l’information et de la

communication) accélèrent la production des produits et services (robo-

tisation, sécurité, facilité d’accès), accentuent considérablement les

rythmes de travail, et modifient le rapport au temps (générant produc-

tivité et stress) et le rapport à l’espace (virtuel, globalisation, langues).

Elles permettent de nouvelles façons de travailler qui renforcent l’im-

portance de la coordination et accroissent aussi considérablement la

transparencedesmodalités de travail individuelles ouorganisationnelles.

Sur le terrain économique, les défis se sont considérablement modifiés :

s’il s’agissait à la sortie de la guerre, entre 1945 et 1960, de reconstruire

et de planifier, puis entre 1960 et 1990 de distribuer de plus en plus

finement, les années 1990 nous ont fait entrer dans un cycle de turbu-

lences où la réactivité est partout exigée.

Il n’est plus question depuis les années 2000 que d’innover et de se

différencier et ceci de manière extrêmement rapide. Le mot d’ordre est

« changement ».

Dans ce contexte, les travaux Manpower/McKinsey Travail 2020

éclairent les grands axes de ces mutations qui impactent fortement le

monde du travail :

• évolutions démographiques et pénuries de talents dans un monde

globalisé ;

• individualisation ;

• révolutions technologiques ;

• sophistication des demandes client.

L’entreprise est au cœur de tous ces enjeux, par le fait même qu’elle se

trouve au front du technique, de l’économique mais aussi du sociétal

(désaffection de masse envers les grands idéaux publics au profit d’un

investissement dans la vie privée et des choix individuels, rôle de l’en-

treprise et articulation avec le rôle des États, définition du travail, etc.).

Enfin et dans le même temps, les progrès des neurosciences nous

apprennent que

« nous sommes émotions »

.

Nous savons désormais que

« l’émotion (définie comme une mise en

mouvement intérieure) est à l’origine de la cognition, c’est-à-dire la

façon dont on pense, dont on interprète, dont on se représente les

informations captées dans notre cerveau »

3

.

(1) Thomas Kuhn,

La structure des révolutions scientifiques

, Champs Flammarion,

2008.

(2) Pierre Giorgini,

La transition fulgurante, Vers un bouleversement systémique

du monde ?

, Bayard, 2014.

(3) Aaron Beck,

La thérapie cognitive et les troubles émotionnels

, De Boeck, 2010.