Cahier numéro 4 - page 14-15

- Vous constatez lamême chose au niveau des entreprises ?
- Les cadres chinois d’aujourd’hui n’ont plus grand-chose à
voir avec les cadres chinois d’il y a vingt ans… et pourtant ils
sont toujours chinois.
Si on accepte de prendre un peu de recul, un simple raisonnement
permet de comprendre qu’il est possible de repenser complètement la
lecture des comportements culturels en se basant sur le contexte… et
non le lieu.
Le soleil se couche derrière les montagnes qui marquent
l’horizon : le couchant, Maghreb en Arabe, Maroc finale-
ment… Quand les Arabes sont arrivés dans la région, à la
fin du VII
e
siècle, ils ont ainsi nommé la région, celle qui
s’étend de ces montagnes jusqu’à l’océan Atlantique. Mais
ici c’est encore l’Algérie… Méchéria… Les Ouled Sidi Cheick
en ont fait leur territoire. Ces nomades inscrits dans le vent
des hauts plateaux sont très fiers de leur culture : assis en
tailleur devant sa
khaïma
, sa tente en poils de chèvre et de
chameau, l’un d’eux me sourit. « Ici nous avons une spéci-
ficité culturelle : nous avons un très grand respect pour les
personnes âgées ! »
Deux ans plus tard, et deux mille kilomètres plus au sud,
c’est un chef de village mossi qui nous accueille. Nous
venons prendre des nouvelles d’un projet de développe-
ment centré sur l’aide à l’installation de jeunes agriculteurs…
L’accueil est, comme toujours, très chaleureux et chacun
nous vante les mérites et spécificités de sa culture : « Ici
nous avons une spécificité culturelle, nous avons un très
grand respect pour les personnes âgées ! » Plus tard,
ailleurs, dans le centre de la Chine, àWarda en Inde, chez les
Indiens Guarani en Bolivie, partout nos interlocuteurs nous
expliquent avec conviction : « Ici nous avons une spécificité
culturelle, nous avons un très grand respect pour les
personnes âgées ! »
Il est possible, et fréquent, d’en rester à cette lecture des comporte-
ments, en s’appuyant sur la parole des intéressés. Mais il est aussi
possible de faire deux remarques :
- Cette spécificité est la même partout, en quoi s’agit-il d’une spéci-
ficité… puisqu’elle se développe dans des pays différents, dans des
contextes religieux différents, au sein de populations qui n’ont pas le
même taux de mélanine dans la peau ?
- Tous nos interlocuteurs ont une autre caractéristique commune : ils ne
sont jamais sortis de chez eux ! Comment peuvent-ils savoir qu’il s’agit
d’une spécificité culturelle ?
Il convient donc de trouver un autre outil de lecture qui donne du sens
à des comportements identiques dans des lieux si éloignés les uns des
autres.
En fait, par-delà les différences visibles, un paramètre rapproche ces
différentes populations : elles font face à un milieu hostile, où le droit à
l’erreur n’est pas grand. Nous choisirons de nommer cela des contextes
de précarité, et le droit à l’erreur devient alors notre premier paramètre,
à la fois universel et négociable, qui va nous servir à lire certains com-
portements humains, indépendamment de la nationalité, fût-elle d’ori-
gine, de la religion et de la couleur de peau. Il est universel car ce qu’il
advient de celui, ou de celle qui se trompe est une question universelle,
négociable car cela peut changer dans le temps et dans l’espace ; la
formation, l’enseignement donnent aux hommes un plus grand droit à
l’erreur…
Le droit à l’erreur, un ressenti : de la précarité
à la sécurité, un rapport à la mort, au choix, à
l’incertitude…
Il nous semble que la notion de droit à l’erreur mérite d’être définie
de façon plus précise : que se passe-t-il lorsque qu’une personne se
trompe ? Il y a une première hypothèse que nous prendrons comme
point 0 dans notre raisonnement : elle meurt…
Sur la base des observations menées dans près de soixante pays du
monde, nous pouvons proposer une triple définition de la précarité :
- l’erreur est synonyme de mort ;
- les personnes n’ont pas le choix ;
- les personnes disposent d’une faible capacitéà contrôler les incertitudes.
Sur les hauts plateaux boliviens, ce délégué d’une ONG
française s’impatiente : il est là depuis près de dix jours, à
argumenter auprès de ces paysans qu’il encourage et suit
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