Cahier numéro 5 - page 18-19

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Le leader « de demain » est en émergence dans le contexte d’au-
jourd’hui.
- Demain commence aujourd’hui avec l’allongement de la vie au travail.
Une question revient régulièrement : « À 50 ans, j’en ai encore pour au
moins 15 ans… oui mais pour faire quoi et à quel endroit ? » La période
invite à remettre en question la linéarité des parcours professionnels
ascensionnels pour inventer d’autres possibles.
- La référence collective qu’est la loi de l’offre et de la demande sur le
marché du travail paraît résolument obsolète. Il semblerait que l’offre
de travail ne soit structurellement plus suffisante en Europe y compris
pour les dirigeants, ce qui est un phénomène récent. La mobilité inter-
nationale à ces niveaux n’a jamais été aussi encouragée. Plutôt que
d’attendre ou de rechercher une hypothétique offre d’emploi sur un
marché en rétrécissement, de plus en plus de dirigeants réfléchissent
à la meilleure façon d’offrir leurs services, illustrant ainsi le principe
évoqué dès 1803 par l’économiste Jean-Baptiste Say selon lequel
l’offre crée sa propre demande. Le leader de demain sera-t-il plus
entrepreneur et pluriculturel ?
- Le leader d’aujourd’hui a été préparé au management du change-
ment. Or le changement est le passage d’une situation connue à
une autre situation inconnue. Le leader de demain ne devra-t-il pas
plutôt accompagner des transformations, c’est-à-dire le passage
d’une situation connue à un monde à inventer, à co-créer en sachant
naviguer à vue ?
Autant d’interrogations pour camper le décor d’une acception du
leadership résolument situationnelle : quel leader pour faire quoi à quel
endroit et à quel moment de l’histoire, du pays, de l’entreprise ? Le carac-
tère adaptatif est plus important que tout autre car il suppose écoute,
observation, prise en compte de l’environnement économique, politique,
social, humain et des parties prenantes pour y apporter une réponse
adaptée. Par réponse, j’entends la « response-abilité », l’habileté, la
capacité à apporter la réponse la plus adaptée.
Quelques tendances ressortant
de nos accompagnements individuels
Tout d’abord, il faut souligner qu’à quelques exceptions près, les
leaders n’ont pas l’habitude de parler de leurs difficultés, comme s’ils ne
devaient pas avoir d’états d’âme, ni montrer leur vulnérabilité.
Le recours à l’accompagnement pose en soi une question : à quel
moment, pour faire face à quel enjeu ? Son déclenchement peut être
vécu comme une reconnaissance s’il est à l’initiative de l’intéressé(e)
et financé par l’entreprise ou comme une remise en question générant
culpabilité voire honte de ne pas avoir réussi seul, s’il est initié par la
hiérarchie. Souvent, le recours se situe entre deux extrêmes : la limite
de rupture et le développement de talent. Entre les deux, cela dépend
beaucoup de la façon dont l’organisation considère ses richesses
humaines (investissement ou variable d’ajustement). Il peut s’agir de
l’accompagnement à une prise de fonction notamment lors d’une
promotion interne, à un changement de braquet, à la conduite de projets
complexes, à une gestion de crise, à la combinaison de problèmes
professionnels et personnels, à la préparation du futur.
Dans le monde des grands groupes, j’ai pu observer ces dernières
années les phénomènes suivants, sans qu’ils soient exhaustifs ni for-
cément cumulés :
- une intensification de la pression sur les résultats ;
- une prépondérance des
process
sur l’initiative individuelle et surtout
collective ;
- un besoin de réassurance de l’organisation par le contrôle. Le temps dédié
au
reporting
del’activitéestparfoisplusimportantquel’actionelle-même;
- une déréalisation du travail : lesmodes opératoires sont de plus en plus
virtuels voire abstraits en raison de l’éloignement de l’opérationnel et
de la connaissanceprofondedesmétiers, du circuit deprisededécisions
conduit par des gestionnaires et financiers ;
- une sophistication des organisations matricielles qui rend complexe le
système de relations interpersonnelles ;
- un discours managérial souvent incantatoire qui fonctionne par injonc-
tion : « Il faut atteindre les chiffres annoncés au budget. On ne peut
pas faire autrement » ;
- moins d’espace d’initiative et de temps d’échanges ouverts avec son
N+1, souvent localisé à distance ;
- une hypertrophie de l’ego et du besoin de reconnaissance sociale
doublée d’une incapacité à s’occuper correctement de soi-même.
Apprendre à faire toujours davantage avec toujours moins de moyens
sans revoir l’organisation relève de l’illusion et fait courir des risques
substantiels d’implosions individuelles et collectives. La reconnaissance
de l’addiction au travail comme une véritable pathologie ou encore les
épidémies de la psyché à travers les suicides liés au travail en sont
quelques exemples lourdement évocateurs.
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