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électromagnétiques, cette conception pose la question du nivellement

du savoir : toutes opinions se valent-elle ? Quels critères permettent

de départager le préjugé du savoir ? Les questions classiques de la

philosophie, telles que posées dans les premiers dialogues de Platon,

reprennent ainsi de la vigueur, et imposent à l'université de s'interroger

sur son rôle et la manière de fonder sa légitimité.

Valorisation de la recherche et valeurs du savoir

Un point essentiel de la légitimité de l'université dans un contexte de

verticalité de diffusion et de production du savoir est celui de détermi-

ner quelle est la « valeur » de la connaissance. Nous retrouvons alors

le cœur d'une réflexion économique, qui s'appuie essentiellement sur

un calcul de la valeur en termes de production de richesse matérielle.

De ce point de vue, la notion générale de valorisation de la recherche,

entraînant la création dans les universités de « services valo », tend à

désigner surtout les diverses modalités permettant à l'université de

soutenir des activités de recherche par des moyens lucratifs extérieurs

(contrats de recherche, thèses CIFRE, notamment) dans une logique de

partenariat et d'expertise. Selon les universités et, au sein d'une même

université comme celle de Nanterre, selon les contrats de recherche, la

valorisation pourra prendre des formes aussi variées que le développe-

ment d'un procédé industriel spécifique — comme les recherches sur les

métamatériaux dans l'aéronautique ou sur l'optimisation énergétique

sur la base du phénomène d'énergie au sein d'un laboratoire de l'IUT de

Ville-d'Avray

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(EA LEME) —, l'étude d'impact pour une collectivité — par

exemple, l'étude des effets d'une politique systématisée de dépistage

du cancer du sein dans les Yvelines par les chercheurs en géographie

de la santé

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—, ou une prestation intellectuelle à effet indirect — comme

les thèses financées, au sein du laboratoire de psychologie sociale (EA

LAPPS), sur l'influence des stéréotypes sur les choix de consommation

4

.

Évidemment, de ce point de vue, en mesurant la valeur du savoir à sa

fonction strictement économique de contribution à la croissance et à la

création de richesses, on paraît largement oublier les autres valeurs du

savoir, et en particulier la valeur qu'a le savoir en lui-même. Davantage

conçue selon cette acception étroite, la notion de valorisation de la

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recherche peut laisser entendre que, autrement, la recherche scienti-

fique est « sans valeur », sans utilité par elle-même et, par là même,

« dévalorisée ». Toutefois, on peut aussi considérer que le terme renvoie

aussi, positivement, à l'idée que, si la science a une valeur en elle-même

(valeur de vérité), elle peut acquérir une valeur complémentaire dès

lors qu'elle est diffusée ou mise en pratique (valeur sociale). Le rôle

de l'université et sa légitimation dans un contexte d'économie de la

connaissance tient alors dans la manière dont la valeur de la connais-

sance n'est pas subordonnée à sa valeur économique, mais au contraire

dans la façon dont l'économie elle-même et plus globalement le déve-

loppement de la société dépend du développement de la connaissance.

Service aux collectivités, extension et responsabilité

des universités vis-à-vis de la société

Dans cette perspective, on pourra proposer une autremanière de conce-

voir la contribution de l'université à l'économie, inscrite dans le cadre

plus large de la contribution de l'université à la société. Il est à noter que

la valorisation de la recherche peut aussi inclure toutes les formes de

contributions gratuites à la société et non seulement ce qui permet de

tirer un bénéfice économique : expertise à destination des associations

ou fondations à but non lucratif, comme dans le cadre d'une clinique

juridique

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; conférences publiques et MOOCs gratuits et non diplômants

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; dispositifs pédagogiques à destination de publics empêchés (hôpitaux,

prisons) ou défavorisés (jeunes décrocheurs, réinsertion, accès aux

études supérieures et capacité en droit)

7

.

Sur le modèle du service aux collectivités de l'UQAM (Université du

Québec à Montréal) et de la mission d'extension des universités bré-

siliennes, l'université de Nanterre souhaite créer la première cellule

universitaire de l'engagement et de la responsabilité sociétale en

France : il s'agit d'accompagner les projets de ce type et de permettre

leur développement, par desmoyens humains, financiersmais aussi par

une mise en cohérence des initiatives et une communication interne

et externe. Faire un tel choix suscite de grandes discussions au sein

de l'université. N'est-ce pas seulement de la bonne conscience ? N'est-

ce pas une manière de se détourner des problématiques sociales en

interne ? Surtout, n'est-ce pas une manière de se détourner des fonda-

mentaux de l'université, soit ses activités de formation des étudiants

(2) EA 4416 – LEME :

http://leme.u-paris10.fr/

(3) Équipe Santé et Territoires (LEST), Laboratoire Mosaïques, UMR 7218 – LAVUE :

http://www.espace-sante-territoires.fr/

(4) Équipe Psychologie sociale des comportements et des cognitions (PS2C),

EA 4386 — LAPPS :

http://ps2c.u-paris10.fr/

(5) Programme EUCLID :

http://euclid.u-paris10.fr/.

(6)

https://www.france-universite-numerique-mooc.fr/universities/Paris10/

(7) Projet Kairos : orsu.afev.eu/IMG/pdf/projet_kairos_universite_de_nanterre.pdf