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d’une approche essentiellement centrée sur les questions techniques

ou de structures, et d’intégrer une vision plus phénoménologique et

sociale.

Penser Par le Bien commun

propose donc trois points de vue

.

Les choix de gouvernance des ressources communes

:

les propriétés collectives, les services publics,

les infrastructures, ce qu’il est décidé de mettre en commun.

L’équilibre de la relation entre la personne

et la communauté

: les moyens de concilier l’épanouissement

et les relations des personnes avec l’utilité sociale assurée

au sein de la communauté.

L’efficience des choix communs

:

l’accès réel de chaque personne

aux services garantis par la communauté.

I. Considérations organique et fonctionnelle

des biens communs

L’analyse des biens communs s’est longtemps contentée d’une approche

matérielle ou organique, négligeant les aspects fonctionnels.

• L’opposition entre biens publics et biens communs reflète les concep-

tions juridiques traditionnelles de l’action publique. Au plan politique,

les biens publics ont longtemps reflété la légitimité des prérogatives

de puissance publique. Le terme des biens communs apparaît lors du

Sommet de la Terre de l’ONU en 1992 à Rio, à un moment où ressort la

nécessité d’associer la société civile au processus décisionnel. En

associant alors les parties prenantes pour proposer une vision partagée

du développement durable, des objectifs communs émergent. Un long

travail de rédaction aboutira à une première vision globale et locale de

la gouvernance des communs, qui sera transcrite dans les principes

éthiques de la Charte de la Terre

17

. Le Programme des Nations Unies

24

25

pour le Développement (PNUD) a aussi proposé en 1992 un rapport

théorique sur le sujet, avec une approche du « bien communmondial »

intégrant la propriété intellectuelle. De même, la vision traditionnelle

du droit positif distingue le public et le privé

18

, dans la lignée de la

distinction des

res communi

s et

res nullius

des Romains. L’enjeu

fondamental de la question de l’usage et de la propriété suscite la

crainte de la spoliation des ressources au détriment des plus faibles,

comme nous le rappelle le mythe de la Magna Carta qui sera fondateur

du Mouvement des Communs. Des combats politiques visent à

protéger les ressources matérielles ou immatérielles, dites « rivales

et non-exclusives » - deux critères retenus par l’analyse économique

néoclassique (Paul Samuelson, 1954). Dans la théorie des jeux,

l’individu ne serait pas toujours apte à prendre en compte l’intérêt

collectif. Sur le fondement d’une conception malthusienne, Garrett

Hardin avait ainsi déjà recommandé la privatisation afin d’éviter une

« Tragédie des Communs » (1945).

• L’École néo-institutionnelle en sciences politiques se détache de

cette dérive réductionniste de l’économiste ne voulant voir dans l’être

humain qu’un

homo economicus

- un individu isolé purement rationnel

et ce, sans saveur culturelle, morale, ou résilience et contradictions.

Sa critique de l’analyse néoclassique obtient une reconnaissance lors

de l’attribution du prix Nobel d’Économie (2009) au professeur Elinor

Ostrom. Elledéplorait la seulepriseen considérationde l’aspectmatériel

de la ressource, - et non des choix opérés par les acteurs ainsi que des

mécanismes de changement. Comment a-t-on pu considérer que les

individus ne communiquaient pas entre eux, n’établissaient pas de

choix, ne géraient pas de conflits, et n’avaient pas d’histoire ou de

culture partagées ? N’auraient-ils pas la capacité à nouer des liens de

confiance et de réciprocité

19

, ou à partager les savoirs ? N’auraient-ils

pas de futur commun ?

• La gouvernance des biens communs ne doit pas négliger la dimension

relationnelle incarnée dans l’expérience. Contrairement au libéralisme

juridique, qui cherche à protéger l’individu dans la société par le droit

(17) V. Hacker, « La Charte de la Terre et la pensée du Bien commun », Common

Good forum& Charte de la Terre,

http://urlz.fr/2KEE

(18) Le droit français distingue le domaine public (biens du public, « être moral et

collectif »), et le patrimoine des états particuliers. Le Code civil évoque les biens

communaux, à l’article 542. Le domaine public (en droit civil) désigne l’ensemble

des choses ne pouvant faire l’objet de droits de propriété, et qui sont donc décla-

rées «

res communis

» (choses communes), telles que l’air ou l’eau de la mer. « Il

est des choses qui n’appartiennent à personne et dont l’usage est commun à

tous ». Les autorités peuvent cependant réglementer l’usage de ces biens par

des pouvoirs de police.

(19) E. Ostrom, J. Walker,

Trust and Reciprocity

, Russell Sage Foundation, 2005.