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III. Pluralisme juridique et innovation politique

de la

soft law

La lecture des équilibres politiques proposée par Ostrom existait déjà

dans l’analyse institutionnelle en droit

23

. L’espace social n’est pas

abstrait ou géométrique. Des communautés humaines se succèdent,

proposent un langage qui inscrit et se transmet dans l’espace et le

temps. Le pluralisme juridique doit donc transcrire cette perception

du changement institutionnel, des transactions et des temporalités

multiples.

En ce sens, depuis les années 1970, des changements substantiels

sont apparus tant dans les modes de fabrication du droit public, que

dans la conception des politiques publiques globales et locales. De

nombreuses formes de droit souple (

soft law

)

24

proposent une concep-

tion diversifiée du droit qui complète le principe de la règle obligatoire

unifiée et hiérarchisée du droit dur (

hard law

). La contrainte ne repré-

sente pas l’élément constitutif, mais plutôt fonctionnel. Les actes de

soft law

sont applicables non pas

de jure

mais

de facto

en vertu des

engagements réciproques pris par les parties contractantes. Ils incor-

porent des règles de conduite, sans pour autant impliquer la création,

la préservation, le renforcement, la modification ou l’extinction des

droits et des obligations, selon les règles classiques du droit public.

Politiquement, la

soft law

devient utile lorsqu’elle est considérée

comme complément du droit dur, dotée d’un caractère plus programma-

tique que normatif et capable de garantir une bonne modularité selon

les préférences, les intérêts ou les valeurs des acteurs et leur force

d’influence. Cette discussion se retrouve actuellement dans le paquet

‘Better Regulation’

de la Commission européenne qui vise à élaborer

des politiques et des actes législatifs de manière à ce qu'ils atteignent

leurs objectifs moyennant un coût minimal. Les mesures sont définies,

mises en œuvre et évaluées de manière ouverte et transparente, sur

la base des meilleures données disponibles et avec la participation des

parties prenantes

25

.

IV. Effectivité de la gouvernance

des biens communs

Le bien mis en commun n’est pas toujours la communauté de tous. Le

public cible peut en effet se voir évincer par un public mieux instruit,

sachant mieux tirer partie des opportunités administratives (loi de Gres-

ham). Cette situation peut se voir amplifiée si les procédures administra-

tives imposent des coûts de transaction à la population cible : procédure

absconse, langage hermétique, paperasserie, anonymat…

Par exemple, les soins de santé peuvent sembler accessibles à tous,

grâce à un système de Sécurité sociale performant. Dans la réalité, il

peut ne pas être réellement assuré compte tenu de problématiques :

1. de transports :

enjeux des déserts médicaux, ou de l’intégration des personnes handi-

capées, ou des personnes n’ayant pas le permis de conduire ;

2. de temps dédié face au maintien dans l’emploi :

par exemple, dans le parcours de Procréation médicalement assistée,

les patients enchaînent les protocoles contraignants et les effets indési-

rables sévères. Or ceci a longtemps impliqué l’obligation de reporter les

soins et de poser des congés, car il n’était pas possible d’avoir des arrêts

maladie dédiés

26

. Désormais, les couples salariés pourront bénéficier

d'une autorisation d'absence pour les actes médicaux nécessaires,

et d’une protection contre le licenciement face à des comportements

discriminatoires ;

3. de compréhension :

connaissances insuffisantes, culturesmal adaptées, peurs diverses. Par

exemple, les patients sont-ils suffisamment autonomes et sereins pour

utiliser le matériel médical et le numérique à domicile ?

4. de marché public :

comment améliorer la qualité nutritionnelle en modifiant l’accès au

marché public de la restauration publique aux producteurs bio en limi-

tant la complexité des procédures ?

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28

29

(23) V. Hacker, « L’institutionnalisation de l’Union »,

La Pensée du Doyen Hauriou

à l’épreuve du temps. Quel(s) héritages(s)

, PUAM, 2015.

(24) Résolutions, chartes, normes,

guidelines’

, labels privés, autorégulation/coré-

gulation rassemblant société civile et puissance publique par exemple. V. Hacker,

« À quoi sert une charte sociale (

soft law)

? », Projet DWOF,

http://urlz.fr/2PvI

(25) Commission européenne, « Mieux légiférer »,

http://urlz.fr/2PMp

(26) Nouvel article 20 ter loi de santé, modifiant le Code du travail.

(27) V. Hacker, « Le gaspillage alimentaire : Contraintes et initiatives des acteurs

sur le Territoire en France » :

http://urlz.fr/2PvI