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manière ironique, on observe parfois des individus qui déploient des
stratégies politiques pour justement éviter d’être pris à partie dans un
jeu politique. Pour moi, la notion d’
enjeu
définit mieux les motivations
des individus dans les jeux politiques que l’idée de pur intérêt.
Arrêtons d’associer la politique à Machiavel
Il s’agit ici de la deuxième précaution nécessaire au développement de
notre thème. En France, force est de constater que la plupart des cadres
ont une représentation négative et pessimiste des jeux politiques dans
les organisations. Parmi les réponses que j’ai eues au cours de mes
recherches, voici celles qui reviennent le plus souvent : « La politique
sert les intérêts personnels plus que l’intérêt général de l’entreprise ;
c’est de la manipulation et des pratiques douteuses ; c’est une perte
de temps ; les méchants gagnent plus que les gentils ; c’est mensonge,
trahison et compagnie, etc. ». Bien sûr, il y a une part de vérité dans ces
affirmations. Certains jeux politiques sont malsains et certains joueurs
sont particulièrement vicieux et sans scrupules. Mais la politique ne se
résume pas à cela. Je pourrais développer ici des arguments qui invali-
deraient chacune de ces affirmations. Je me contenterais de mettre en
lumière le fait que ce ne sont pas les jeux politiques qui sont probléma-
tiques mais plutôt la manière dont certains individus y jouent. Ce sont
certaines stratégies et techniques politiques que nous n’aimons pas,
notamment celles qui aboutissent à la manipulation, à la trahison et au
chantage.
Il faut savoir qu’il existe des techniques politiques saines, comme la
rhétorique ou la négociation, et que les joueurs politiques ne sont pas
tous de petits machiavels prêts à tout pour arriver à leurs fins. En un
sens, Machiavel nous a fait le plus grand mal avec
Le Prince
(1532). Cet
ouvrage est connu de tous même si tout lemonde ne l’a pas lu. Machiavel
y décrit les principes nécessaires pour pérenniser un gouvernement
sur une province. Ces principes sont amoraux et fondés sur une vision
extrêmement pessimiste de l’homme. Machiavel avait peu de foi en
l’être humain au moment de la rédaction de cet ouvrage. Il écrit dans
son ouvrage : «
La soif de dominer est celle qui s’éteint la dernière dans
le cœur de l’homme
» ou bien «
Jamais l’homme ne fait le bien que par
nécessité
». Beaucoup d’entre nous - du moins je l’espère – ne sont pas
tout à fait d’accord avec ces affirmations. Il faut donc lire
Le Prince
avec
quelques précautions et une bonne prise de recul. Certaines techniques
politiques sont encore d’actualitémais il faut toujours être prudent dans
les transpositions que l’on fait entre la science politique et la science de