interprète la situation politique à sa manière et que les stratégies
sociales qui sont déployées par les joueurs reposent essentiellement
sur des perceptions, des interprétations et des sentiments plus ou
moins biaisés. L’intelligence des situations comprend alors deux volets
indissociables et indispensables : (1) comprendre comment les autres
joueurs interprètent la situation politique et sont susceptibles d’y
répondre, (2) admettre ses propres biais de perception et mettre en
place des mécanismes de vigilance vis-à-vis de ses réflexes mentaux.
1.1. Comprendre le point de vue des autres joueurs
Pour concevoir et déployer une stratégie sociale efficace, il faut
comprendre la manière dont les autres joueurs interprètent la situation
politique. Il faut se mettre à leur place : que voient-ils ? À quoi sont-ils
sensibles ? Comment cette situation est-elle susceptible d’impacter
leurs enjeux personnels ? Le « fin politique » anticipe les réactions et le
comportement des autres en s’appuyant sur la connaissance qu’il a de
leurs perceptions, de leurs enjeux et de leur sensibilité. Pour cela, il y a
toujours un grand travail préliminaire à faire : apprendre à connaître les
autres. Plus un individu connaît en profondeur les autres joueurs, plus il
peut anticiper leurs comportements.
1.2. Se méfier de ses réflexes mentaux
Michel Fiol, chercheur en sciences de gestion et professeur émérite
d’HEC Paris, a travaillé à partir des années 80 sur le concept de « réflexe
mental ». Les éléments contenus dans cette section sont essentiel-
lement tirés de ses travaux de recherche. Je fais partie de l’équipe de
recherche deMichel Fiol et je poursuis avec lui cette réflexion théorique.
Un réflexe mental est un réflexe non conscient qu’utilisent les mana-
gers pour résoudre les situations qui se présentent à eux. Michel Fiol
(2003 ; 2005) a révélé plusieurs réflexes mentaux qu’il est essentiel
de connaître. Le premier est le fait que les cadres focalisent souvent
leur attention sur un aspect ou une partie de la situation. La rationalité
limitée des cadres ainsi que leur manque de temps les incitent à passer
- trop - rapidement le stade de l’analyse en profondeur des situations. Ils
identifient un problème ou un ensemble d’éléments corrélés et cela leur
suffit pour réfléchir à la situation.
Ils pourraient réduire ce biais cognitif en écoutant les autres personnes
autour d’eux. Ces derniers leur donneraient une nouvelle vision de la
situation. Or, le deuxième réflexe mental des cadres est d’accorder une
faible attentionà lamanièredont les autres perçoivent lamême situation.
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