Bien que le contexte actuel appelle une réorganisation des prérogatives
des départements (réforme territoriale, loi NOTRe du 7 août 2015),
l’étude de l’économie du partage, en tant que vecteur de dynamisme
économique et social et plus largement de bien-être territorial, reste
utile à étudier pour voir quels sont les potentiels d’apport à l’outillage
des travailleurs sociaux.
Le champ de l’économie du partage, et en particulier de la consommation
collaborative, nous paraît intéressant dès lors qu’il véhicule de nouvelles
aspirations, de nouveaux comportements plus simples, plus respectueux
de l’environnement, plus efficaces économiquement et socialement. Il
revient donc aux agents du Département de faire la part de ce qui
peut être utile aux bénéficiaires des aides sociales et de mesurer la
pertinence des activités et l’impact sur les personnes aidées.
Hervé Dumat, responsable de l’EDAS de Nanterre
«
Le plus souvent, le travail social reste enfermé dans une logique
de relation d’aide centrée sur la personne et relativement indiffé-
rente à son environnement. Or, si l’on pense la réalité comme un
réseau, voire un réseau de réseaux, comme le cerveau ou un
écosystème, on perçoit la complexité dans laquelle nous agissons
et la naïveté qui consiste à se focaliser sur un point précis de ce
réseau. Travailler en réseau c’est essentiellement prendre soin
du réseau lui-même : chercher à le développer mais surtout à le
faire vivre. Car un réseau n’a pas d’existence en dehors de ce qui y
circule. J’ai participé récemment à une réunion de présentation
d’un réseau local d’échange de services (Éco-temps porté par
l’association Nouvelles Voies). Les animateurs du réseau ne se
contentent pas de proposer et d’administrer la plateforme numérique.
Ils organisent régulièrement des “foires aux échangeurs” qui
permettent aux adhérents du réseau de se rencontrer et de se
questionner sur leurs besoins, ce qui ne va pas de soi dans un
monde dominé par le marché. Car pour que le réseau fonctionne,
il faut que son offre soit suffisamment diversifiée, qu’il s’établisse
un équilibre entre la proportion d’offreurs et de demandeurs.
Mais surtout, au-delà de leur matérialité, il faut que les échanges
fassent sens, qu’ils modifient progressivement le regard que
chacun porte sur lui-même, sur l’autre et sur le monde. C’est l’enjeu
des politiques de développement local.
»
Le pôle Attractivité et Emploi, auteur du
Guide des initiatives
collaboratives au service du travail social
et ayant participé à
l’expérimentation, invite les travailleurs sociaux à vérifier la validité
et la pertinence des informations recueillies et d’enmesurer les impacts
sur les usagers. Il a vocation à êtremis à jour au fil de l’eau en prenant en
compte les avis des usagers, le regard des travailleurs sociaux ainsi que
l’apparition ou disparition de certaines activités. Il pourrait à terme se
transformer en un wiki ou en un annuaire intelligent.
Le guide s’est inspiré au départ du recensement élaboré par OuiShare
qui a listé les « 100 sites utiles à la consommation collaborative », et
s’est construit sur les connaissances acquises depuis. Cet outil est une
première étape, un état des lieux non exhaustif. Il s’agit de cibler, parmi
toutes les initiatives, celles qui pourront présenter une utilité pour les
personnes accompagnées par des services sociaux. Il s’agit donc bien de
développer une expertise spécifique qui allie connaissance des acteurs
de la consommation collaborative et connaissance des besoins sociaux.
L’intérêt de faire évoluer ce guide papier en version numérique est de
permettre un accès en direct à la dernière version actualisée tout
en évitant les impressions papier. En accès libre sur l’open data par
exemple, il pourrait servir d’outil aussi bien aux professionnels qu’aux
habitants du territoire. Le côté numérique, tout en veillant à sa facilité
d’utilisation, pourrait contribuer à le rendre plus attractif notamment
auprès des plus jeunes. Si nous le voulons interactif, c’est pour faciliter
son appropriation par tous. Nous pouvons envisager que chacun, profes-
sionnels comme habitants, puisse venir l’alimenter en fonction de ses
connaissancesmais aussi, à l’image du fonctionnement des plateformes
collaboratives, que des avis et commentaires puissent être exprimés
pour une régulation par les utilisateurs eux-mêmes.
L’édition d’un guide de ce type pourrait justement permettre aux
travailleurs sociaux de mieux identifier tous les possibles offerts par
l’économie du partage et peut-être, progressivement, lever certaines
craintes, certaines appréhensions. Cela permettrait à terme de renforcer
nos accompagnements, en diversifiant l’offre de services mais aussi les
modalités d’accompagnement et le développement de comportements
plus durables. En effet, connaître les lieux qui permettent d’acheter
d’occasion, savoir qu’il est possible de louer des biens à proximité de
chez soi, peut amener les travailleurs sociaux et les personnes accompa-
gnées à revoir leur rapport à la consommation, à la propriété mais aussi
d’aiguiser leur conscience à la préservation de l’environnement et des
ressources naturelles.
62
63