d’accès technologique qui est en cause que l’usage qui en est fait. La
plupart des ménages que nos services accompagnent même en situation
de précarité ont une connexion à Internet, un ordinateur voire des smart-
phones à la maison. 80 % des offres d’emploi se font par Internet et les
offrescommercialeslesplusintéressantesnesontsouventaccessiblesque
par Internet. La difficulté vient plutôt des personnes qui ne savent pas
utiliser les réseaux d’information et circuler sur la toile. Cela s’explique
parfois par le manque d’expérience, parfois parce que leur maîtrise
de la langue française ne le permet pas. Une étude de l’Insee en 2011
fait état de 16 % des personnes de 18 à 65 ans résidant en France
métropolitaine éprouvent des difficultés dans les domaines fonda-
mentaux de l’écrit tandis qu’au total, une personne sur six résidant en
France métropolitaine éprouve des difficultés au moins partielles, dans
un des trois domaines fondamentaux de l’écrit
31
. Lors des Entretiens
Albert-Kahn du 10 avril 2014, Cécilia Germain d’Emmaüs Connect faisait
remarquer que les jeunes, bien que Digital Natives, ont un usage plutôt
ludique du numérique et rappelait que 33% des jeunes entre 16 et
24 ans estiment que leurs compétences sont insuffisantes par rapport
aux exigences du marché du travail
32
. Cette dimension d’inclusion
numérique dépasse très largement le champ de notre expérimentation,
mais constitueunnouvel enjeu social qui mériteuneattentionparticulière.
Elle rejoint le point suivant, celui de la difficulté croissante des personnes à
semouvoir dans lesméandres de l’administration« à la française».
L’incapacité pour beaucoup des usagers à gérer
leurs démarches admi-
nistratives
, à gérer les interfaces parfois même incohérentes entre les
pouvoirs publics ou les délais parfois critiques dans les cas de perte de
logement ou de coupe de chauffage, etc. La surcharge administrative
est très visible auprès des usagers. Elle a un impact majeur sur la pratique
des travailleurs sociaux. Une bonne partie de l’accompagnement des
EDAS vise à présent à aider les personnes à se mouvoir dans leurs
démarches administratives. À cela s’ajoute le fait que la plupart de ces
démarches se font en ligne et que les personnes ne parviennent pas à
s’orienter d’elles-mêmes sur Internet. Des
espacesmultimédias dans les
EDAS
, animés avec des associations spécialisées (comme les établisse-
ments publics numériques), pourraient être expérimentés et déployés
à l’échelle du département. Il existe déjà des initiatives de ce type, mais
pas d’approche générale.
Le besoinde lien social
ressort commeunpoint critique denos entretiens.
Il rejoint d’ailleurs les conclusions du projet expérimental Spiral conduit
par le Département de Gironde dans un tout autre cadre que le nôtre,
celui de son Agenda 21
33
. La solitude touche toutes les personnes, quel
que soit le statut social. Mais elle prend des proportions importantes
chez les personnes qui vivent seules, qui n’ont pas d’emploi ou chez les
familles monoparentales.
• Mme Vo. : «
Bosser de chez soi c’est bien, mais c’est dur, on peut perdre
la motivation. Cela (un tiers lieu) permettrait de rencontrer d’autres
personnes, d’échanger. On a besoin de lien social
. »
Face à ce phénomène majeur de société, quel rôle peut jouer le
Département ? Il paraît important que les travailleurs sociaux puissent
s’appuyer sur une série de dispositifs de socialisation, à vocation pro-
fessionnelle ou pas. La France est bien pourvue en associations de tous
les types mais les usagers ne connaissent pas forcément leur existence.
Dans le domaine professionnel, de réseau d’échanges ou de savoirs, de
montée en compétence, les lieux neutres, gratuits sont plus rares. Nous
proposons
au pôle Solidarités d’envisager des partenariats afin d’animer
des ateliers/conférences/rencontres sur des sujets qui peuvent aider le
public à développer son pouvoir d’action.
N’oublions pas que parmi les
bénéficiaires du RSA, on trouve une diversité de situations, à savoir des
personnes parfois cultivées et formées dans leur pays qui ne trouvent
pas d’équivalence en France, des cadres en décrochage long terme, des
personnes qui ont dû arrêter de travailler pour des raisons médicales,
etc.
Des tiers-lieux à vocation sociale pourraient être envisagés.
Nous
pourrions imaginer des places dédiées auxpersonnes bénéficiaires d’aide
sociale dans des tiers-lieux pour favoriser la création d’une activité. Le
gestionnaire de l’espace de
coworking
Casaco à Malakoff nous a dit être
intéressé demener ce type de démarche conjointe avec le Département.
Christine, travailleur social d’insertion à propos de la visite de Casaco
«
Je ne connaissais pas l’existence de ce tiers-lieu. Ce que j’ai compris,
c’est qu’il s’agit d’une communauté d’entrepreneurs qui présente des
profils pluriels, relativement autonomes dans leurs démarches mais
qui partagent une philosophie et des valeurs communes à la fois
dans le secteur de la création d’entreprise et de leur organisation
de travail
(un lieu de vie et de travail à la fois où rime rigueur et plaisir/
bien-être au travail). »
68
69
(31) Étude Insee, « Enquête Information et vie quotidienne », 2011.
(32)
Les Cahiers des Entretiens Albert-Kahn n° 9
, « Sortir de la pauvreté », Cécilia
Germain « Connexions solidaires, faire du numérique un levier d’insertion pour
tous ».
(33) Voir notamment l’intervention de Julie Chabaud et Sebastien Keiff aux
Entretiens Albert-Kahn du 10 février 2016 : « Comment mesurer et valoriser le
bien-être territorial ? ». Podcast en ligne sur le site des Entretiens Albert-Kahn.