Cahier numéro 8 - page 18-19

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La traduction concrète de cette démarche qui en est faite dans la plupart
des pays occidentaux - en réponse à une sortie de crise qui se doit
d’intégrer nécessairement les initiatives «
bottom-up
» - est illustrée
notamment par la prolifération des «
Living labs
», lesquels appliquent
les concepts de l’«
open innovation
» (innovation ouverte). Ces labora-
toires d’idées multi-acteurs, où l’expérimentation partagée sur un sujet
de politique publique se rapportant auxmodes de vie et à leur évolution
en œuvre – ou souhaitée - permet une confrontation réelle aux pro-
blèmes et leur résolution à petite échelle, peut être force de proposition
pour d’autres sphères d’acteurs et de territoires, et incite naturellement
à développer le co-design territorial : ici, les individus et les communau-
tés peuvent avoir un rôle moteur dans les processus de développement
territorial qui antérieurement étaient majoritairement régentés par
les institutions et organisations nationales et locales. On peut citer
l’exemple de la région napolitaine qui a fédéré autour des produits du
terroir connus de tous – pizza,
limoncello
, patrimoine urbain mais aussi
chaussure – un ensemble d’acteurs promouvant ensemble, et c’est là
toute son originalité, toute une région à l’export : ce qui est désigné par
« localisme cosmopolite »
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et qui expose une filière intégrée de ce que
représente la région napolitaine « en bloc » à l’échelle de la planète, et
dont on imagine que les « effets vitrine » seront bien plus retentissants.
Pour conclure sur cet aspect, qui n’est pas nouveau mais qui mérite
qu’on y insiste car il refonde en profondeur les bases de l’aménagement
local du territoire, ainsi que le soulignait il y a plus d’une décennie Alain
Lipietz (2001), «
le développement endogène, fondé sur la réciprocité, la
qualification et lamobilisation du tissu social, est unemodalité privilégiée
pour les territoires ; il remplit notamment les conditions d’un développe-
ment durable
».
Pour des territoires « affinitaires »
et « esthétiques » qui redonnent du sens
et de l’espoir à la ville
En guise de conclusion, les territoires « affinitaires » expriment la trans-
formation qui s’opère entre terroirs et territoires, si bien qu’une autre na-
turede territoire semble apparaître tirant sa forcedes réseauxet diverses
formes de « capital », notamment de son héritage culturel, économique,
social et environnemental.
Le renoncement des gouvernements et des collectivités locales à de
nombreuses missions, en raison de l’accentuation de la dette publique
et plus largement de la conjoncture économique, incite parallèlement les
ménages et les populations à développer des modes de communication,
d’échanges et de services très créatifs pour satisfaire leurs besoins
essentiels, tels que les communautés d’échanges, les coopératives
d’habitat, les communautés de résidence, tout en interagissant sur des
marchés secondaires s’appuyant sur les monnaies alternatives. Ainsi, la
mobilisationdes réseaux s’exprimenon seulement au travers des réseaux
sociaux mais aussi par la mise en place d’alliances entre entreprises, de
conventions entre collectivités locales. Et c’est en cela que l’on pourrait
parler de « territoires virtuels », car les alliances dépassent les structures
physiques et géographiques proches : sur l’énergie, par exemple, l’asso-
ciation Energy-Cities rassemble des villes, des régions de différents pays
européens autour de laConventiondesMaires européenne, pour partager
des préoccupations similaires en matière d’efficacité énergétique et de
gouvernancemulti-acteurs. Innovation, créativité, connaissance sont les
principauxmoteurs de ce type de territoires
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.
Quant aux « territoires esthétiques » ils sont pleinement à ré-inventer.
L’approche urbanistique des vagues d’édification massive et successive
depuis les années 50 à nos jours - avec des programmations urbaines
et architecturales homogènes d’équipements, de grands ou moyens
ensembles d’habitats, de tertiaire, de zones d’activités ainsi que le
déploiement des infrastructures routières dans les paysages et dans les
villes, la surenchère spatiale liée au développement résidentiel de lamai-
son individuelle - a contribué à saturer le cadre de vie et à rendre la ville et
sa périphérie hostiles à l’installation sereine de leur population, dans un
risque de dérive identitaire préjudiciable au vivre-ensemble. Le quantita-
tif l’ayant emporté sur le qualitatif, l’art de vivre en harmonie avec son en-
vironnement est l’enjeu majeur des territoires esthétiques. L’importance
de restaurer la biodiversité en ville, d’y retrouver des éléments de nature
par une restauration de la trame verte et bleue et par le réaménagement
d’espaces publics de repos, pour le bien-être des habitants, est un gage
d’attractivité également pour les entrepreneurs et les investisseurs.
(13) Démarche « Territoire durable 2030 », Mission prospective duMEDDE/CGDD.
(12)EzioManzinivaplus loinavec le« localismecosmopolite»,cettedynamiqueen
contrepoint de lamondialisation qui produit des effets inverses : on part du potentiel
territorial et on l’ouvre aumonde.
1,2-3,4-5,6-7,8-9,10-11,12-13,14-15,16-17 20-21,22-23,24-25,26-27,28-29,30-31,32-33,34-35,36-37,38-39,...68
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