Cahier numéro 8 - page 12-13

Transformations de la société
Le monde bouge et agit déjà tous azimuts.
« Je ne cherche pas à apporter des réponses,
je cherche à comprendre les questions »
Confucius
Bien conscients des changements qui s’opèrent au sein de notre société,
il s’agit modestement de prendre le pouls des initiatives, mesures,
indices, qui nous permettent d’intégrer ces changements dans nos
modes de concevoir et de mettre en œuvre les politiques publiques
à moyen et long terme. C’est pourquoi, l’étape du rassemblement, de
l’agrégation des signaux faibles et forts pour éclairer les tendances en
continuité et en rupture avec nos modes de vie du passé est une étape
fondamentale dans la perception et la conscientisation des transfor-
mations vécues par notre société et qui devront inspirer nos futures
politiques publiques. À l’évidence, on pressent que les forces de ces
transformations ne cessent de s’exercer et que les crises successives
récentes n’ont été que les catalyseurs de ces mutations, des révéla-
teurs. Pour ne citer qu’une tendance lourde, l’impact des nouvelles
technologies sur nos comportements et notre façon de vivre ne date pas
de l’apparition du
smartphone
dans les années 2000, les étapes anté-
rieures de l’ordinateur et de la carte à puce ayant bien entendu tracé le
chemin d’une révolution numérique que nous considérons comme réelle
– parce que massive - seulement aujourd’hui.
Ainsi est-il important de se risquer à rendre visibles les dynamiques
émergentes présentes chez un groupe d’individus, une communauté,
des réseaux d’affinités qui peuvent caractériser des tendances d’avenir,
plus ou moins robustes, en repérant des actions sur la toile ou sur le
terrain indiquant la manière dont la société bouge.
Penchons-nous à présent sur des transformations majeures des modes
de vie de la société française à horizon 2030
4
. Parmi celles-ci, certaines
proviennent d’un flux beaucoup plus large que le périmètre de la Nation,
celui du Monde. Ce n’est pas nouveau : on assiste, de fait et partout, à
une même globalisation économique et culturelle - liée historiquement
à l’accélérationdesfluxmarchands - dont l’instantanéité, l’interconnexion,
le caractère transnational sont les dimensions majeures. Cette facilité
à transposer les valeurs phares de la modernité occidentale, recherche
d’autonomisation de l’existence, aspiration au progrès et au bien-être
matériel, se fait dans des conditions différentes entre régions dumonde
et individus et génère des impacts, à long terme, sur les ressources très
importants et lourds de conséquences. Il faut cependant nuancer cette
tendance communément admise par l’inflexion constatée dans les pays
européens du retour de la culture locale, des territoires de proximité,
d’un enracinement local et familial, ce qui pourrait se résumer ainsi : plus
il y a uniformisation, plus il y a retour de la différence et de la singularité.
D’où l’importance de considérer les changements demodes de vie à une
échelle territoriale donnée, soit, selon un périmètre humain, social et
environnemental pertinent. Nous y reviendrons.
Le plus souvent, ces transformations sont la résultante de longues
mutations endogènes à la société comme le multiculturalisme, l’édu-
cation, le travail, etc. La dynamique actuelle des transformations de la
société française crée un nouveau « séparatisme culturel et social »
opérant à un double niveau, entre les classes sociales, et à l’intérieur
d’une même classe sociale en fonction de critères ethniques et culturels.
Sans vouloir entrer ici dans la polémique du système d’intégration « à
la française », il apparaît que la mixité de la population actuelle est
davantage pluriculturelle et mondialisée qu’elle ne l’était lors de vagues
de migrations des Trente Glorieuses. Les bases religieuses, culturelles,
communautaires semblent plus hétérogènes et aussi plus recomposées
– les mariages mixtes ayant poussé également dans ce sens - rendant
d’autant plus nécessaire une compréhensionmutuelle des cultures pour
aboutir à une réinvention du nouveau modèle républicain du XXI
e
siècle
pour un mieux-vivre-ensemble. Mais cette hétérogénéité culturelle de
la société française s’accompagne aussi d’une répartition spatiale des
populations qui les confine à leur catégorie sociale de naissance : toutes
ont tendance à se refermer et à fermer l’accès pour ceux qui se situent
en dessous et dans des espaces bien déterminés
5
. De plus, l’école qui
jouait un rôle d’ascenseur social tend à perdre cette vocation : il existe
aujourd’hui en France un déclassement
6
qui atteste d’une mobilité des-
cendante des générations nées après les années 60 alors qu’elles sont
plus diplômées que leurs parents. Cela pose inévitablement la question
de la précarisation des classes moyennes et populaires alors même que
le rôle protecteur traditionnel de l’État devient de plus en plus difficile
10
11
(4)Cesréflexionssont issuesduprogrammedeprospective«Penserautrement les
modes de vie à horizon 2030» de laMission prospective duministère de l’Écologie,
du Développement durable et de l’Énergie.
(5) Christophe Guilly,
Fractures françaises
, 2013.
(6) Camille Peugny,
Le déclassement
, éditions Grasset, 2009.
1,2-3,4-5,6-7,8-9,10-11 14-15,16-17,18-19,20-21,22-23,24-25,26-27,28-29,30-31,32-33,...68
Powered by FlippingBook