le fleuve, émaillé ses espaces publics de kiosques élégants, financés
par la ville, devenus hauts lieux de fréquentation des bobos mais pas
seulement. Pour moi, une des réussites d’une ville, c’est quand vous
avez très souvent envie de vous y asseoir. Lisbonne en offre une variété
et une quantité impressionnante.
Activer des rez-de-chaussée urbains vivants
et actifs
À La Défense, tous les rez-de-chaussée étaient aveugles avant l’arrivée
du « bistrot de l’Arche » au pied de la Grande Arche. Ensuite, le CNIT
s’est ouvert sur l’extérieur avant de se réintérioriser. Une ville durable,
c’est une ville où vous avez envie de marcher avec des rez-de-chaussée
vivants, non forcément commerciaux (car le commerce n’occupe
jamais plus de 10 % du linéaire des villes.) C’est jouer la transparence
et l’ouverture de l’espace public. Ainsi François Grether, concepteur du
quartier Paris-Batignolles, avait imposé, dans son schéma d’aménage-
ment, des doubles hauteurs pour les rez-de-chaussée qui devaient être
transparents et vivants. Qu’ils reçoivent des activités, des crèches, des
commerces ou des logements atypiques, qui s’ouvrent sur l’extérieur.
Autre expérience : Marseille essaie de regagner sur Euroméditerranée
son espace public et ses commerces, malgré la concurrence des centres
commerciaux périphériques. Nous sommes peut-être le seul pays qui
continue à faire des centres commerciaux périphériques de manière
aussi massive et déraisonnable.
Marseille tente de sauver également la rue de la République, qui relie
le Vieux-Port à Euroméditerannée, avec un opérateur commercial. Elle
développe aussi, au pied de la cathédrale de la Major, une offre
spécifique de restauration en lien avec un espace public remarquable.
Saint-Nazaire, ville de la reconstruction, a su renouer avec des rez-de-
chaussée accueillants et Bernard Reichen, face à la base sous-marine
réaménagée, réussit une opération commerciale qui s’ouvre sur l’espace
public et qui est connectée à toute la centralité existante.
La Défense, quant à elle, offre peu de rez-de-chaussée vivants, nombre
de tours étant peu amènes au niveau du rez-de-chaussée, et nombre
d’usages collectifs étant introvertis.
Lutter contre des occupations qui stérilisent l’espace public a guidé
l’action urbaine new-yorkaise. Pour sauver un certain nombre de rues
comme la 125
e
Rue àHarlem, traditionnellement la rue des gens branchés,
du jazz, etc., l’agence d’urbanisme a imposé que, sur toute cette rue, les
R + 1, les rez-de-chaussée soient vivants, rejetant banques, assurances,
drugstores, à l’entresol avec accès limité sur rue.
Conduire des partenariats public-privé
et des partenariats public-public
C’est aupublic de définir la vocationdu lieuet de l’attractivité du territoire
et se doter des instruments de mise en œuvre dans le cadre d’un projet
urbain visionnaire et volontariste ; le privé peut et doit apporter sa
créativité, sa connaissance du marché, son savoir-faire mais avec un
cahier des charges solide quant à la « philosophie » de ce que veut
accomplir la cité, cela sous la houlette d’une vision du devenir de la
cité par ceux qui en ont la responsabilité, les élus locaux. Et il faudrait
évaluer ce qui a été produit par l’aménagement. Un projet, pour passer
de l’intention à la réalisation, n’exige pas seulement une qualité de
conception urbaine, mais des outils d’aménagement. Le détour européen
montre qu’à chaque situation spécifique s’invente un outil
ad hoc
.
Bilbao a créé le sien : Bilbao Ria 2000, structure de droit privé qui réunit,
dans son conseil d’administration, tous les pouvoirs publics concernés :
la Ville, les instances de l’État basque, de la Région, de la Province, de
l’État national, le port, le chemin de fer et la chambre de commerce.
Ce dispositif-là doit prendre des décisions à l’unanimité, et constitue un
« pot commun » centré sur des opérations qui doivent servir d’induction,
avec un effet de levier formidable car tous les pouvoirs publics finan-
çaient les mêmes projets.
Liverpool, ville la plus pauvre de Grande-Bretagne, a été « sauvée » par
un centre commercial remarquable organisé en rues et places, en prolon-
gement du port, en se tissant avec la ville existante. Cette opération
est le fait de Grosvenor, investisseur privé, en collaboration avec la Ville
qui avait une vision de son devenir, et en appui sur le levier Capitale de
la culture 2008. Il est quasi impossible de réaliser en Grande-Bretagne
un centre commercial en périphérie. Résultat, les centres commerciaux
sauvent les villes. De plus, les exigences légales sont fortes : fabriquer
du tissu urbain (donc pas de parkings périphériques), faire une étude
d’impact pour ne pas concurrencer le centre-ville, être doté de trans-
ports en commun.
À New York le partenariat est également intéressant. Pour la
High Line
,
les propriétaires du sol sous le viaduc et autour ont pu rétrocéder leur
droit de construire sur des sites que la Ville a décidé de densifier autour
de la
High Line
. De plus, cela a permis de régénérer l’espace urbain avec
des bâtiments remarquables construits par de grands architectes et
intégrant les entrées de métro.
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