Introduction
«
Résorber la vacance, servir la création
». Avec sa césure à l’hémistiche,
le slogan de l’association Plateau Urbain résume l’idée de son fondateur,
Simon Laisney. Regroupant des urbanistes et des professionnels de
l’immobilier, Plateau Urbain propose depuis 2013 aux propriétaires
immobiliers institutionnels des outils pour faciliter la mise à disposition
de leurs immeubles temporairement vides, à destination de porteurs
des projets culturels, associatifs ou entrepreneuriaux. Ses quinze
membres sont convaincus que les interstices spatiaux et temporels de
la métropole peuvent constituer de puissants vecteurs de création et
d’innovation, à condition d’offrir aux parties prenantes les conditions
de leur avènement. Dans la lignée de divers projets d’occupation tem-
poraire menés depuis des années par des architectes ou des acteurs
de la culture, l’association se distingue par une volonté de raisonner
à l’échelle métropolitaine, pour généraliser et rendre systémique la
pratique consistant à tirer un meilleur parti de la part vacante du parc
immobilier. Ce parti pris permet de faciliter les projets d’occupation
temporaire sans adopter toutefois de posture normative, offrant aux
propriétaires et aux porteurs de projets des outils et des méthodes
pour mettre enœuvre des collaborations profitables aux deux parties.
Active en Île-de-France, désormais également tournée vers les métro-
poles régionales, l’association compte aujourd’hui une quinzaine de
réalisations.
Après avoir présenté les fondements théoriques de l’action de Plateau
Urbain, ce texte s’attardera sur divers exemples demise en pratique des
préceptes de l’association.
Hybrider les usages et les temporalités
Constat immobilier
La vacance immobilière structurelle représente de nos jours des volumes
bâtis importants. Les 3 à 4 millions de mètres carrés de bureaux
actuellement vacants en Île-de-France correspondent à l’équivalent
d’une quarantaine de tours Montparnasse. . Les propriétaires sont en
outre confrontés au défi de sécuriser et d’entretenir ces immeubles,
dont la plupart sont en fin de vie, obsolètes, et donc temporairement
exclus du marché immobilier.
Face à cela, pourquoi ne pas profiter des besoins d’espaces de création
à bas coût présentés par les artistes, les associations ou les jeunes
entreprises ? Pour ces acteurs chez qui le critère de confort n’est pas
prépondérant par rapport au prix de la location, le modèle de l’occupation
précaire au prix des charges permet de concentrer leur énergie sur le
développement de leur activité.
Lemarché immobilier a donc besoin d’occupants précaires pour porter le
foncier en transition, offrant des espaces de travail et de création à des
acteurs dont lemodèle économique n’est pas compatible avec lemarché
immobilier classique, mais qui forme néanmoins un vivier de dévelop-
pement économique local important (le secteur associatif représente
par exemple 1,8 million de salariés en France en 2014).
Objectifs urbains
À travers l’organisation d’occupations temporaires, il s’agit pour Plateau
Urbain de pouvoir redonner une vitalité urbaine à des espaces délaissés.
Conférer une valeur d’usage à des biens temporairement hors marché
et dépourvus de valeur d’échange constitue en effet un défi tant
économique que politique. Ce parti pris de profiter des «
dents
creuses temporelles
» pour faire advenir des projets inédits nécessite
cependant de garantir aux propriétaires que cette utilisation transitoire
n’entrera pas en contradiction avec le futur programme et que la fin de
l’occupation se passera sans heurt.
Mettre à profit ces temporalités urbaines intermédiaires permet en
outre d’animer les espaces, de préfigurer les futurs usages, et de donner
aux acteurs les outils pour favoriser l’innovation, sans la décréter. Pour
sortir de terre et posséder une identité propre, les projets d’occupation
temporaire ont avant tout besoin d’un opérateur possédant une exper-
tise technique, en termes de démarche, d’outils àmettre enœuvre et de
modèle économique, et non de décideurs aux accents normatifs.
Les projets d’occupations temporaires sont également l’occasion de
créer des laboratoires d’usages, concernant par exemple les nouvelles
manières de travailler, le confort des espaces de bureaux, ou encore la
mutualisation des outils de travail (salles de réunion, de détente, de
restauration, outils, bureautique, mobilier, etc.) à l’échelle d’un bureau,
d’un plateau ou d’un immeuble.
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