La création de Forme Publique
Dès ses débuts, La Défense a été pensée comme un lieu d’innovation
architecturale et artistique. Defacto a souhaité renouer avec la
dimension créative qui s’était tarie avec le temps et a créé en 2012
Forme Publique, sous l’impulsion de Katayoune Panahi, alors directrice
générale de cette institution. Nous concevons en effet l’innovation et la
création artistique comme un vecteur de la gestion de l’espace public.
La Défense est un quartier vertical de plus de 70 tours reliées entre
elles par une immense dalle piétonne de 30 hectares. L’espace y est
gigantesque et très minéral. On a tendance à se sentir tout petit, un peu
écrasé et perdu sans les repères traditionnels des rues qui structurent
les villes plus classiques. Le rôle de Defacto est de gérer l’espace public,
c’est-à-dire précisément cette horizontalité de la dalle. Au-delà de nos
missions de gestion, notre rôle est justement de créer un lien entre les
occupants des tours afin de mettre en relation ce qui constitue la pre-
mière valeur de ce quartier hors normes : cette communauté humaine
qui y habite, y étudie et y travaille et constitue une remarquable concen-
tration de talents. Pendant longtemps, la dalle n’était qu’une zone de
flux : au-delà de cette fonction, nous pensons qu’elle doit servir à relier
profondément les entreprises entre elles, en proposant à tous des
prétextes à se rencontrer, échanger, créer de la valeur. La biennale de
création de mobilier urbain participe de cette démarche.
La thématique de «Village global » pour la 3
e
édition de Forme Publique
À chaque édition, nous faisons un appel à projets autour de quelques
thématiques qui correspondent à nos préoccupations de gestionnaire
et aux particularités de La Défense.
La troisième édition de Forme Publique, la biennale de création de
mobilier urbain à La Défense, propose depuis cette année de nouvelles
installations sur le thème du«Village global ». L’innovation se concentre
sur le passage du local au global, le changement d’échelle et la mise en
réseau.
L’idée est de faire travailler des designers et en particulier des jeunes.
Nous souhaitons être pionnier dans ce domaine et faisons le pari du
prototype, partie intégrante de notre démarche d’expérimentation.
Partant des usages simples de tout mobilier urbain, comme s’abriter,
s’asseoir, faire une pause, déjeuner, Forme Publique permet de réintro-
duire la dimension ludique et poétique dans l’espace public à échelle
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plus humaine que les gratte-ciel. Les designers ont toute liberté
pour dépasser ces usages simples et repenser le rôle du mobilier à La
Défense. Au-delà du mobilier lui-même, c’est bien la notion d’espace
public qui est interpellée.
Nous pensions qu’avec cette thématique du « village global » nous
obtiendrions des réponses très
high tech
, mais en réalité, nous avons
reçu des réponses très
low tech
, qui exprimaient plutôt un retour au
basique, rien de véritablement très connecté. C’est intéressant car cela
correspond à une tendance de fond qui se manifeste à La Défense, et
plus généralement en France.
Le succès du mobilier « La rue des Utopies » conçue par Florian Lopez
et Constantinos Hoursoglou s’explique selon moi en partie pour cela.
Dans cette installation, on se retrouve haut perché, aumilieu des arbres
et des feuilles, cela sent bon le bois, les enfants passent en courant, les
personnes discutent autour de vous et on a envie de savoir ce qu’elles
se disent. Les salariés sortent des tours pour y déjeuner, des réunions
s’y tiennent sur les bancs nichés dans les alcôves qui évoquent les
cabanes de l’enfance ! Cela montre que les personnes ont besoin de
renouer avec les choses simples, la relation à l’autre et à la nature, y
compris pour travailler.
Provoquer le détournement des usages
Des prototypes sont ainsi installés dans l’espace public pendant une
durée longue, un an, pour que le public puisse se les approprier avec
les spécificités liées à chaque saison. Certes les installations ont été
sélectionnées par un comité d’experts et un jury, mais nous sommes
très curieux de voir comment le mobilier va être utilisé voire peut-être
détourné. En ponctuant parfois de manière insolite la dalle, il est
en effet un prétexte pour que quelque chose s’y passe, que le flux
s’interrompe, que le temps se suspende ne serait-ce que quelques
minutes.
Par exemple dans l’édition précédente, nous avions installé sur l’Esplanade
un mobilier spectaculaire et poétique : « La Prairie », conçue par Chérifa
Sehimi, Jérôme Girard et Navid Ghasemzadeh, qui correspondait à un
champ de piquets de couleur orange, particulièrement prisé des enfants,
des sportifs et des photographes. Puis petits et grands se sont mis à
faucher laprairiequi leur servait desabres lasers commedans
StarWars
. La
Prairie n’a pas tenu l’année ! Nous avions bien vu la dimension ludique,
mais certainement pas anticipé ce type de détournement !