Cahier numéro 7 - page 12-13

Une manière de pratiquer le co-leadership est simplement de se
comporter en partenaire coresponsable. Petra Künkel
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définit le lea-
dership collectif comme «
la capacité d’un groupe de leaders à faire
une contribution au service du bien commun, de manière conjointe
et flexible, selon ce qui est perçu comme utile et nécessaire
». Cha-
cun des co-leaders ne ressent pas le besoin de se mettre en avant ou
d’imposer ses vues, mais cultive son aptitude à savoir ou sentir ce qui
doit être fait dans le présent ou pour préparer le futur, en utilisant ses
dons singuliers.
Le co-leadership remet en cause la distinction traditionnelle entre
leaders et « suiveurs » (ou dirigeants et dirigés) qui semettent d’accord
sur un ou deux objectifs à atteindre – chacun restant dans son rôle de
décideur ou d’exécutant. Dans ce sens, le partenariat « produit » une
orientation commune, un accord sur les modalités d’interaction et un
engagementmutuel de chacun au service de buts recherchés à plus long
terme. Cela conduit chacun des co-leaders à examiner ses croyances sur
le leadership et à s’engager dans des pratiques telles que l’ajustement
mutuel, la recherche du sens partagé, et l’apprendre ensemble – qui
engendreront une nouvelle culture favorisant la transversalité.
Il est à noter que dans nombre de cultures non occidentales, le leadership
est considéré comme une capacité collective plutôt qu’individuelle. Par
contrasteavec le leadershiphéroïque individuel, le co-leadershipembrasse
ladiversitédesmembresde l’organisationet de leursperspectives ; il libère
à la fois l’initiative individuelle et l’intelligence collective.
De fait, de nouvelles formes de leadership émergent dans de nom-
breuses organisations et communautés à travers le monde, en réponse
à la complexité croissante, aux crises multiples et aux limites du
paradigme actuel de développement. Elles sont appelées, selon les cas,
leadership partagé, complémentaire, distribué, collaboratif, circulaire,
collectif ou communautaire, et mettent l’accent sur l’influence interper-
sonnelle, le dialogue, la mutualité et la vision latérale – en considérant
le leadership comme un processus relationnel plutôt qu’une position
formelle.
Ce co-leadership engage simultanément des changements de bas en
haut, de haut en bas, demanière transversale, en diagonale, en réseau ou
en boucle – et traverse les frontières fonctionnelles, organisationnelles,
géographiques ou même sectorielles. Il est déjà utilisé par certaines
entreprises pour créer de l’innovation ouverte avec des fournisseurs,
clients, partenaires ou même certains concurrents, ou pour résoudre
des problèmes complexes de développement durable en associant
secteur public, secteur privé et société civile. Quand il est pratiqué
entre secteurs, il crée les conditions de l’apprenance
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et de l’innova-
tion sociétales – par un sens accru d’interdépendance et une grande
confiance dans l’auto-organisation, à partir d’une finalité, d’une vision
et de valeurs partagées.
L’émergence d’une société co-créatrice
La complexité croissante de la vie économique et sociale ne peut
être abordée effectivement qu’en faisant appel à l’intelligence et à
l’engagement de tous. Une grande partie des crises actuelles sont la
conséquence du modèle de développement des derniers siècles qui
repose principalement sur le paradigme de domination décrit par Riane
Eisler
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– et dont l’effet s’est amplifié sur le plan mondial avec le déve-
loppement exponentiel des technologies au cours des cent cinquante
dernières années.
Le paradigme de domination ou patriarcat est caractérisé par un recours
habituel à la comparaison et au classement supérieur/inférieur, un fort
degré de peur et de soumission, des structures sociales fortement
hiérarchisées et une légitimation de la domination comme le mode
d’organisation le plus efficace. Il commence à céder progressivement
la place à un paradigme du partenariat fondé sur l’équivalence
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entre
êtres humains, la confiance mutuelle, des hiérarchies plus plates et des
processus plus transversaux où maturité personnelle et sagesse sont
les principaux critères de promotion, ainsi que sur une valorisation et
légitimation de la collaboration et des relations de parité.
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(4)Künkel,P.,
Collective Leadership – APathway to Collective Intelligence
,Collective
Leadership Institute, 2005,
(5) Capacité d’apprendre individuellement et ensemble, qui passe souvent par le
désapprendre et la remise en cause d’habitudes de pensée et de comportement.
(6) Eisler, R.,
The Power of Partnership
, NewWorld Library, Novato, 2002. Voir éga-
lement le textede l’auteur traduit en français
Co-créer une société et une économie
de la compassion solidaires
, in Carine Dartiguepeyrou (sous la dir.),
La nouvelle
Avant-garde, vers un changement de culture
, L’Harmattan Coll. Avant-garde, 2013.
(7) Au sens d’égale valeur intrinsèque.
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