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l’engagement professionnel et humain des acteurs avec les autres

membres du collectif plutôt que ces derniers s’ingénient à éviter de faire

des erreurs et à protéger leurs positions respectives.

Un des grands défis du leadership est donc de permettre le développe-

ment de l’agilité collective par l’engagement professionnel et humain de

tous les acteurs concernés. Dans cette perspective, il est indispensable

de s’intéresser de très près à la façon dont ces acteurs travaillent et

interagissent ensemble. Comme l’affirme très justement Yves Morieux

23

,

ce qui compte alors n’est pas tant le formalisme des structures et la

multiplicité des processus (i.e. : le squelette) que le nombre et la qualité

des relations humaines et professionnelles ou « synapses » présents

dans le corps social (i.e. : le système nerveux).

Comment favoriser le développement de telles relations ? Un tel objectif

est ambitieux et les chemins pour y arriver sont pavés de difficultés,

notamment du fait de la singularité des contextes et des corps sociaux

propres à chaque organisation. Néanmoins, une voie d’exploration peut

être avancée ici à partir de la notion de

coopération

. En substance,

lorsque les conditions de la coopération entre les acteurs sont réunies,

la réactivité et la pertinence des décisions progressent en même temps

que diminue la consommation de ressources et que progresse la valeur

ajoutée globale.

Si l’utilisation du terme « coopération » est courante, sa pratique

systématique est beaucoup plus rare. Mais tout d’abord, la coopération

ne doit pas être confondue avec la participation et la collaboration.

En bref, la participation désigne l’action de participer à une activité

collective dont la motivation première est l’obtention d’un résultat indi-

viduel (ex : participer à unmarathon). La collaboration se caractérise par

la production d’un travail individuel au service d’un projet collectif (ex :

jouer dans une équipe de foot). La coopération exige un travail solidaire

entre les acteurs dans le but d’atteindre un objectif commun (ex : faire

partie d’une cordée d’alpinistes).

Si la coopération est difficile à mettre en œuvre dans une organisation,

c’est qu’elle ne dépend pas directement des règles et des dispositifs

d’incitation. De même, le charisme des dirigeants et les campagnes de

communication interne sont tout aussi peu déterminants. En fait, la

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19

coopération repose d’abord et avant tout sur la volonté des acteurs de se

faire confiance et de s’entraider. Se faire confiance est un acte volontaire,

une sorte de lâcher-prise sur l’inconnu que George Simmel

24

définit

comme la suspension du doute au-delà de toute rationalité.

La notion d’entraide emprunte à Marcel Mauss

25

le principe de l’

économie

du don

selon lequel les sociétés ne reposent pas uniquement sur le

donnant-donnant, les calculs symétriques et les contrats, mais sur

la tripe obligation de donner, recevoir et rendre. L’entraide s’inscrit

bien dans ce principe puisqu’il s’agit de donner de l’aide, d’accepter

d’en recevoir et d’en rendre à nouveau. Comme le don, l’entraide se

manifeste alors sous la forme d’une promesse qui, si elle est tenue,

a valeur d’échange. Dans les organisations, l’entraide est davantage

le fruit de la bonne volonté des acteurs que le résultat de l’intérêt

économique, des contraintes procédurales et des normes propres à

chaque métier

26

.

Food for thought

«

L’ingéniosité collective

repose sur le « commerce du don »

et ce d’autant plus que l’organisation et le collectif

sont soumis à des pressions transformationnelles fortes.

Le problème des organisations ne consisterait

pas tant à « mobiliser les salariés » qu’

à tirer parti

de leur volonté de donner

.

Pourtant, les modes de gestion « modernes »

préfèrent que salariés et employeurs soient

quittes

,

plutôt que

mutuellement endettés

. »

Norbert Alter,

Donner et prendre, la collaboration en entreprise

,

éditions La découverte

(23) YvesMorieuxest Senior Partner andManagingDirector aubureaudeWashing-

ton du Boston Consulting Group.

(24) Simmel G.,

Sociologie

, PUF (Ed. 1908 – 2013).

(25) MaussM.,

Essai sur le don

, PUF (Ed1923 – 2012).

(26) Alter N.,

Donner et prendre : la coopération en entreprise

, LaDécouverte (2009).