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Parce que les agents titulaires de la fonction publique peuvent apparaître
« protégés », de ce risque majeur du moins, il y a une forme de devoir
moral àmobiliser plus que jamais l’administration au service de la création
d’activité pour les entreprises et les individus (pour exemple, le dispositif
« JobsNOW ! » de la ville de San Francisco).
Parmi les préconisations du Thinklab francilien :
- aller vers une « éducation plaisir pour tous, tout au long de la vie »
(Daniel Kaplan pour le Thinklab) : améliorer l’investissement décisif sur
la prime enfance, repenser l’éducation aux niveaux culturel et cognitif,
redimensionner la formation pour en faire une ressource efficace
mobilisable à tout âge ;
- faciliter l’accès à l’enseignement supérieur par le paiement
a posteriori
des frais de scolarité, sur lemodèle de la Holberton School (ThierryWeil
pour le Thinklab), dans une économie mondiale de la connaissance et
une économie française où la faiblesse du diplôme est plus qu’ailleurs
discriminante pour l’accès au travail ;
- utiliser l’innovationnumérique pour sa capacité d’appariement à grande
échelle des demandeurs d’emplois aux offres (cf expérimentation Paul
Duan-Pôle emploi), son potentiel d’ascenseur social et de désenclave-
ment des territoires (École 42,
simplon.com…) ;
- réaliser le projet (avec François Prévost) de premier « cluster » d’orien-
tation, intégrant la motivation profonde de l’individu - c’est elle qui
crée souvent la capacité - et réellement en prise avec l’emploi.
Porter un projet de qualité de vie alliant culture,
écologie et épanouissement humain
Vue de l’étranger, même en ces temps plus troublés, la France détient
une sorte demartingale secrète dubonheur. Unéquilibrenational parfait,
entre art de vivre et élégance, naturalité et intellectualisme.
Vu de l’intérieur pourtant, même le paradoxe français du «malheur public
et du bonheur privé » («
Le monde/le pays court à sa perte… mais je
m’en sortirai
» : résultat rituel des enquêtes menées par les agences de
publicité sur la confiance en l’avenir, autrui et les institutions) est en train
de vaciller. Le pessimisme gagne désormais plus nettement les individus,
pour leur destinée individuelle et plus encore pour leur descendance.
Or, l’une des sources d’optimisme objectif pourrait bien venir, à côté de la
valorisation d’atouts nationaux exceptionnels, des jeunes générations
justement et de l’évolution occidentale des valeurs dont elles sont
les figures de proue. Ainsi, l’aspiration à une certaine autonomie, à un
développement continu de soi, à une moindre soumission à l’autorité et
à une démocratie renouvelée, portée notamment par les « Millenials »,
devient-elle une attente fondamentale et une clé pour l’attractivité des
institutions comme des territoires.
La notion élargie de « qualité de vie » devient une synthèse opérante
de ces aspirations.
Parmi les préconisations du Thinklab francilien : intégrer pour le futur
modèle économique de la Région Île-de-France un projet de qualité
de vie unique, en liaison avec l’aspiration à une «
smart Region
» et le
potentiel idéal de «
living lab
», intégrant des atouts aussi fondateurs
que la culture et l’écologie, mais aussi la notion « d’épanouissement du
capital humain ».
Conclusion
La nouvelle sphère publique verra-telle un renversement de la pré-
supposée infériorité de l’innovation publique sur l’innovation privée ?
N’est-elle pas désormais capable d’une puissance démultipliée à travers
la « multitude
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» des citoyens, autrement plus engagée que les
« clients » sur des sujets relevant de ses droits essentiels et de l’étoffe
de sa viemême (ex. : succès du programme Climate Co Lab duMIT) ? Si le
politique prend traditionnellement en charge l’ordre social, lesmutations
contemporaines le poussent semble-t-il à intégrer davantage la com-
plexité, voire le chaos d’un monde plus « diffracté ». Repenser l’intérêt
général alorsque lacoexistencededifférents systèmesdevaleur devient
un enjeu social majeur, se prémunir d’actions de puissances étrangères
supra-étatiques, faire davantage corps avec la « multitude » en
réseau de la société civile et des parties prenantes, tenir ensemble des
contraintes également prégnantes pour le sens et la qualité de vie de
générations multiples…
Une chose apparaît certaine : les administrés ne tolèreront plus d’être
la « variable d’ajustement » d’un système public d’un autre âge. Mais
parallèlement, la légitimité d’une institution protectrice libre d’intérêts
privés toujours plus puissants n’est peut-être jamais apparue aussi
(16)NicolasColinetHenriVerdier,«
L’âgede lamultitude :Entreprendreetgouverner
après la révolution numérique
», 2012.