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Quelques défis parmi les plus essentiels selon nous de l’innovation

publique.

Repenser l’action publique à partir de la puissance

du digital

Muse de la prospective, la science-fiction préfigure souvent le réel à

venir : le film de René Barjavel de 1947

9

pressent de façon stupéfiante

le règne futur de la téléphonie mobile, voire l’Internet des objets.

Pourtant, la science-fictionelle-mêmen’avait pas imaginé lewebmondial,

la puissance de ses développements actuels ni ceux de l’intelligence

artificielle. Tel est le contexte du défi qui se pose aux administrations

publiques : repenser fondamentalement la définition de l’intérêt général

et les actions de service public à partir de la « puissance de feu » que

permet la digitalisation du monde. Digitalisation qui, comme toujours

dans les mariages avec la science, s’opère selon les intentions « pour le

meilleur ou pour le pire ».

En l’occurrence, l’avance technologique prise par une poignée de sociétés

opérant « au-dessus » des États

10

sur la capture et le traitement fin

des données numériques mondiales, avec le consentement tacite, le

plus souvent non éclairé, de la communauté des internautes, a de quoi

alerter les puissances publiques européennes. Reprendre un minimum

de souveraineté sur un enjeu aussi stratégique d’un point de vue du

respect de la vie privée des individus que du point de vue géopolitique

(les GAFA connaissent aujourd’hui mieux les administrés français… que

les administrations elles-mêmes) apparaît un enjeu incontournable,

comme l’ont souligné pour le Thinklab Nozha Boujemaa et Stéphane

Grumbach (INRIA). En ce sens, la création en décembre dernier par le

secrétariat d’État au Numérique et à l’Innovation d’« une plateforme

collaborative scientifique destinée au développement d’outils logiciels

et deméthodes de test d’algorithmes»

11

constitueune formed’innovation

publiquedepremier plan. C’est ici l’État français qui encourage et impulse

les prémisses d’une « responsabilité algorithmique » mondiale.

Par ailleurs, si le numérique questionne toute la « chaîne de valeur » des

entreprises, remettre l’usager au « cœur du réacteur » apparaît comme

(9) Film de moins de 5 minutes «

L’œil de demain

»,

http://www.ina.fr/video/

I10257139

(10) Actuellement les GAFA (« Google, Apple, Facebook, Amazon ») et IBM.

(11) Plateforme retenue : « TransAlgo » de l’INRIA.

le point de départ d’autant plus impératif d’une refonte stratégique,

démocratique, managériale, des administrations : il s’agit de déduire

«de l’usager », voire« sur lui », l’information la plus fine sur ses besoins et

aspirations

12

, co-décider et coproduire avec lui le « futur public ». Mettant

en jeu un renouvellement des schémas de pensée et compétences,

l’innovation publique crée finalement une belle opportunité : révéler ou

intégrer de nouveaux talents dans l’administration… à commencer par

les jeunes générations, dans un marché du travail national trop souvent

de « l’entre-soi ». Parmi les préconisations du Thinklab, la nécessité

de créer une « cellule miroir » des start-up au sein de l’administration

régionale a été recommandée.

Être « au service de » l’intégration de tous dans

l’emploi ou l’activité

Les avancées de l’intelligence artificielle et de la robotisation dans quasi

tous les champs d’activité humains, y compris dits « intellectuels »,

rendent plus sensible que jamais la possibilité d’une « fin du travail »,

même si la notion n’est pas neuve

13

.

Parce que le revenu universel de substitution ou de contribution, actuelle-

ment expérimenté dans certaines régions du monde, n’est garanti ni dans

sa faisabilité économique, ni dans son acceptabilité sociale ou individuelle,

le spectre d’un chômage de masse touchant désormais aussi les « cols

blancs », avec son lot de déclassements et de déshérences, hante les

sociétés occidentales, et singulièrement la France.

Certes, si la plupart des métiers de demain sont encore inconnus

14

, le rap-

port «

Tomorrow’s jobs

»

15

de 2016 anticipe des fonctions neuves liées

aux transitions, numériques («

architectes de réalité virtuelle

», «

res-

ponsables d’éthique de la technologie

», «

créateurs de données IdO

»…)

et écologiques («

créateurs d’énergie

», «

bio-hackers

», «

consultants en

stratégie de rewilding

»….). Mais celles-ci seront-elles suffisantes pour

compenser les destructions massives d’emplois prévues, alors qu’une

réflexion sur la conception du travail et son réaménagement dans nos

sociétés contemporaines ne semble pas encoremature ?

(12) Via une nouvelle démocratie participative numérique et les réseaux de data

pertinents disponibles. Sur les « civic techs », se référer notamment à l’interven-

tion de Stéphanie Wojcik et Clément Mabi pour France stratégie.

(13) Karl Marx déjà, Dominique Meda, Jeremy Rifkin… Voir aussi « L’homme

inutile » de Pierre-Noël Giraud.

(14) Dans une proportion d’un tiers à 70 %, voir Rapport Sénat 2014.

(15)

The Future Laboratory

– Microsoft.