Mobiliser cette approche sur les besoins, notamment par les profes-
sionnels de l’intervention sociale, c’est modifier le regard porté sur
ce que nous voyons. C’est créer un espace, souvent d’abord d’écoute
des besoins, où la parole de l’autre pourra s’exprimer, se déployer, être
reconnue, entendue. Une autre notion importante est celle de réciprocité.
Il convient de sortir d’une relation à sens unique au sein de laquelle
l’un à quelque chose à donner et l’autre quelque chose à recevoir, et
finalement à accepter ou exécuter. En outre, cette phase semble être le
préalable à une entrée possible en coopération. La matrice élaborée par
Max-Neef, du fait du nombre de facettes, au croisement de la satisfaction
des neuf besoins, provoque en quelque sorte le déploiement d’une
palette plus large à explorer et stimuler.
L’approche par les valeurs
L’analyse des systèmes de valeurs permet de comprendre en profondeur
lesmotivations internes des personnes et des groupes, des organisations
comme des sociétés, au-delà de l’analyse des seuls comportements
et modes de vie. Elle permet de comprendre des dynamiques dans le
temps, une évolution au travers des aspirations et des fondements sur
lesquels s’appuie le développement des personnes. Les valeurs ne sont
certes pas des compétences, mais elles donnent une idée très précise
d’une identité, d’une marque, d’une culture.
L’analyse par les valeurs permet de décrypter un nuage de valeurs,
c’est-à-dire ce qui compte en termes d’énergie pour une personne, ce sur
quoi elle peut s’appuyer et ce à quoi elle aspire. Il ne s’agit en aucun cas
de jugement de valeur, il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises valeurs.
L’approche par les valeurs permet aux personnes et aux groupes de
mieux se comprendre pour mieux agir. Elle libère de l’énergie positive
puisqu’elle travaille la cohérenceentre les aspirations et les actions qui en
découlent. Les valeurs ne sont pas ce que l’on porte demanière utopique.
Elles sont l’énergie que l’onmet dans ses actions, un souffle qui porteune
dynamique, qui alimente lemoteur d’un changement, d’une évolution.
De même, l’analyse des valeurs permet de relier les singularités des
personnes et des collectifs. Sans négliger les spécificités de chaque
identité, elle permet de rassembler et de trouver des points d’accroche
entre les individus. À l’heure où notre société a dumal à « faire société »,
à trouver un sens commun, l’analyse des valeurs est un formidable outil
au service du vivre-ensemble.
Dans la lignée des travaux d’Abraham Maslow (1908-1970) et de Clare
W.Graves (1914-1986), plusieurs outils, parmi lesquels ceux de
Brian Hall, Richard Barrett, Kenton Hyatt et Cheryl De Ciantis, ont
été développés pour identifier, analyser, mesurer les systèmes de
valeurs des personnes à titre individuel et collectif, des organisations
voire même des sociétés.
La grille deBrianHall
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est utile pour décrypter les systèmes de représen-
tation. Elle nous a permis dans la grille d’entretien d’aider la personne à
situer sa position dans la société (Annexe 1, Le monde est un mystère
sur lequel je n'ai aucune prise, le monde est un problème auquel je dois
faire face ; le monde est un projet auquel je peux contribuer ; le monde
est un mystère dont on peut prendre soin collectivement).
En intégrant une dimension développementale et évolutive, l’analyse
par les valeurs permet de comprendre les dynamiques individuelles et
collectives à l’œuvre. Certes, nous régressons et progressons à la fois,
mais nous pouvons voir quelles valeurs peuvent nous conduire vers
telles autres.
Lorsque Mandela dit : «
Nous pouvons changer le monde pour en faire
une place meilleure
» (
we can change the word to make a better place
),
il reconnaît que chaque individu a un pouvoir d’action et qu’il peut aspirer
à un monde meilleur et y contribuer.
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(25) Brian Hall,
Values Shift
, Wipf & Stock Pub, 2006.