Dans une logiqued’actionau seind’un servicepublic, agissant en faveur de
lapopulationetdansunsoucidepartirdecequ’elleest,nousavonsélaboré
et testé un guide d’entretien qui nous permette de mieux comprendre qui
sont les personnes que nous accompagnons, quel est leur parcours,
leurs motivations, leurs aspirations et attentes.
Nous avons également cherché à identifier la nature des relations
qu’elles entretiennent avec le monde qui les entoure et leur entourage
plus proche, mais aussi à l’égard de l’argent, de la consommation et des
questions liées à l’environnement.
Le questionnaire construit à cet effet est présenté Annexe 1 et s’inspire
des apports théoriques suivants.
La notion d’empowerment, que signifie-t-elle
et pourquoi est-elle utile ?
Depuis le début des années 1990, une littérature anglo-saxonne plétho-
rique s’est développée autour de la notion d’
empowerment
dans des
champs aussi variés que l’action sociale, l’éducation, le développement
international. Elle en propose de nombreuses définitions, méthodes et
critères d’évaluation. Cette notion a fait son entrée en France, au cours
des années 2000 dans la littérature et dans les débats publics. On la
retrouve dans les travaux de chercheurs s’intéressant à la participation
citoyenne qui y voient un modèle de démocratie participative. Mais elle
est aussi mobilisée dans les différents rapports et ouvrages s’adres-
sant aux travailleurs sociaux et de la santé qui désignent par là une
démarche collective d’intervention sociale ; dans des écrits émanant des
mouvements sociaux qui y voient un projet et une démarche d’émanci-
pation ; ou encore dans les livres de management s’adressant aux cadres
d’entreprise. Une utilisation extensive dit à elle seule la polysémie de
cette notion et leflou conceptuel qui aufinal l’accompagne. Pourtant, des
traits communs se dégagent dans ces différentes interprétations.
Le mot «
empowerment
» est composé du préfixe «
em
» qui introduit
l’idée de mouvement, du radical «
power
» qui se réfère à une norme
de pouvoir et du suffixe «
ment
» qui introduit l’idée d’un résultat. Il
articule donc plusieurs dimensions, celle du pouvoir, celle du résultat
mais aussi du processus qui permet d’y accéder. Selon les auteurs de
L’
empowerment
, une pratique émancipatrice ?
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ce mot suppose un
processus à la fois individuel, collectif et social, mais aussi politique,
ce qui implique une démarche d’autoréalisation et d’émancipation des
individus, une reconnaissance des groupes et des communautés et une
transformation sociale.
Il n’existe pas de terme français qui rende compte de l’ensemble de ces
dimensions. Plusieurs mots ont été inventés au fil du temps comme
« capacitation » ou « autonomisation ». Les expressions « pouvoir
d’agir » ou « pouvoir d’action » ont également été introduites. Pourtant,
aucun ne parvient à recouvrir réellement le concept d’«
empowerment
».
Si les deux premiers font bien référence à un processus, ils ne font pas
référence à la notion de pouvoir. Les deux expressions, ne rendent
quant à elles pas compte du processus pour arriver au résultat et de la
dimension collective.
Les origines
Le verbe
to empower
apparaît en Grande-Bretagne au milieu du
XVII
e
siècle pour désigner un pouvoir ou une autorité formelle accordée
par une puissance plus élevée. Ce n’est qu’au milieu du XIX
e
siècle
qu’est formé lemot «
empowerment
» qui définit à la fois un état et une
action, celle de donner du pouvoir. Le terme «
agency
» ou « capabilité »
en français décrit la capacité des agents sociaux à agir, à prendre des
décisions de façon indépendante, à faire des choix. Il faut attendre les
années 1970 pour qu’il soit utilisé de façon diffuse par la société civile.
Mouvements féministes et sociaux, travail social et communautaire,
politiques publiques des institutions internationales… au fil du temps,
l’
empowerment
ne renvoie plus ni aux mêmes pratiques ni aux mêmes
interprétations.
Les années 1960 et 1970 sont marquées par des mouvements sociaux
qui mettent en évidence de nouveaux enjeux comme la libération des
femmes, la question raciale, les droits des homosexuels, les identités
régionales ou l’écologie. Aux États-Unis, lemouvement des femmes vic-
times de violence qui émerge au début des années 1970 semble avoir
été parmi les premiers à utiliser ce terme. Il faudra attendre le milieu
des années 1970, et notamment la parution en 1976 de l’ouvrage
de Barbara Solomon,
Black empowerment : social work in oppressed
communities
, pour que ce terme soit utilisé par les chercheurs et les
intervenants en service social.
Les premières théories élaborées aux États-Unis donnent donc la
priorité au point de vue des opprimés ; afin que ces derniers puissent
s’exprimer mais aussi acquérir le pouvoir de surmonter la domination
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(17) Marie-Hélène Bacqué et Carole Biewener,
L’
empowerment
, une pratique
émancipatrice ?
, La Découverte Poche, Paris, 2015.