centrées sur le développement social local et le travail collectif, et
mobilisant la notion d
’empowerment
. Les tendances à la double
victimisation, comme blâmer les personnes pour les difficultés qu’elles
éprouvent ; à l’infantilisation, comme si elles étaient dépourvues de
ressources ; à la stigmatisation, sont aujourd’hui bien connues notamment
pour leurs effets sur les personnes accompagnées.
Le but de l’intervenant qui se réfère à l’
empowerment
, est justement
de mettre en œuvre les conditions susceptibles de favoriser l’atteinte
d’objectifs jugés importants pour la personne en situation de difficulté.
Il cible son intervention à la fois sur les capacités des personnes mais
aussi sur les possibilités qui lui sont offertes par son environnement. En
ce sens, l’
empowerment
est «
avant tout une formidable opportunité
d’innovation où toutes les forces vives sont invitées dans un effort de
réflexion et d’anticipation à mettre en œuvre de nouvelles solutions
pragmatiques
»
21
.
L’approche centrée sur « le développement du pouvoir d’agir » a essen-
tiellement été développée par Yann Le Bossé et Bernard Vallérie. Ils
ont choisi cette expression pour se référer à la capacité concrète des
personnes d’exercer un plus grand contrôle sur ce qui est important pour
elles, leurs proches et la collectivité à laquelle elles s’identifient.
L’approche des capabilités et des besoins humains
fondamentaux
AmartyaSenetManfredMax-Neef ont démontré les limites de l’évaluation
monétaire du bien-être. Le premier a développé une approche visant à
évaluer le bien-être des individus en fonction de la liberté réelle dont
ils disposent. Le second a cherché à définir de façon précise les besoins
fondamentaux afin d’analyser si les processus de développement permet-
taient ou non à chacun de les satisfaire.
Les deux approches sont complémentaires. Les capabilités, développées
par Amartya Sen, doivent être considérées comme un prérequis qui
permet aux personnes de répondre à leurs besoins afin de se procurer
du bien-être. L’approche par les besoins donne elle une information
précise sur les manquements au bien-être. Autrement dit, si l’obtention
30
31
de capabilités est nécessaire à la satisfaction des besoins, il convient de
définir ces deux approches.
L’approche d’Amartya Sen sur les capabilités
Amartya Sen remet en cause l’évaluation du bien-être uniquement à
partir de la mesure du revenu ou du niveau d’accumulation de biens
matériels, dans la mesure où cela ne reflète pas la liberté que possèdent
les individus. Il démontre que des individus peuvent consommer
certains biens parce qu’ils n’ont pas le choix de faire autrement. Il
démontre également que nous ne tirons pas tous la même satisfaction
à partir de l’utilisation d’un même bien ou service car nous avons des
caractéristiques personnelles et que nous évoluons dans des contextes
d’opportunités différents.
En définissant la capabilité comme la «
liberté positive
22
» de choisir
la vie que l’on souhaite mener, il insiste sur le fait que l’individu doit
détenir les potentialités internes de concevoir un choix de manière
autonome, mais aussi, le choix qui s’offre à lui doit être réel. Il considère
ainsi lanécessitéde repenser ledéveloppement nonplus comme l’accrois-
sement du PIB, mais comme l’augmentation de la liberté de choix de
chacun au regard de la vie qu’il souhaite mener. Les individus sont alors
définis en fonction de leurs capabilités et non plus, comme c’est le cas
dans la théorie du consommateur, par les biens qu’ils achètent.
Une capabilité est une aptitude à la réalisation de quelque chose qui
permet d’accéder aux différentes dimensions du bien-être, comme par
exemple la santé, l’éducation, la participation politique, l’autonomie. Elle
repose sur un «
ensemble de fonctionnements potentiels
». Les fonc-
tionnements potentiels recouvrent toute une gamme de réalisations et
regroupent tous les aspects, les plus divers, qui constituent le bien-être.
Autrement dit, ils sont considérés comme des unités de base du bien-
être. Pour prendre un exemple : savoir lire est une aptitude, la réalisation
est le fait de lire. Ce n’est pas parce que je ne suis pas en train de lire que
je ne suis pas en capacité de le faire.
Pour comprendre comment un individu va obtenir du bien-être à partir
d’un bien ou d’un service donné, il faut identifier différents éléments.
Il faut d’abord identifier les ressources disponibles mais aussi le droit
d’accès des personnes à celles-ci. Ensuite, pour Sen, la capacité des
individus à convertir les ressources en fonctionnement dépend
(21) Bernard Vallérie,
Développement du pouvoir d’agir des personnes et des
collectivités (
empowerment
) et pratiques sociales. Une approche susceptible de
contribuer à une dynamique de développement durable
, 2006
(22) Amartya Sen,
Commodities and capabilities
, Oxford India Paperbacks, 1987.