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de «

facteurs de conversion

», dont il faut distinguer les facteurs

internes des facteurs externes. Les facteurs internes de conversion

comprennent les caractéristiques personnelles telles que les capacités

physiques, psychologiques, mais aussi le capital humain, social et cultu-

rel, l’expérience, les savoir-faire. Les facteurs de conversion externes

correspondent quant à eux au contexte social, politique et culturel. La

personne va ensuite choisir parmi l’ensemble de ses fonctionnements

réalisables ceux qu’elle veut accomplir. Ce choix est fonction de ses

valeurs, de ses obligations. La différence entre les fonctionnements

potentiels et les fonctionnements réellement accomplis permet de

mettre en évidence l’espace de choix ou la liberté de choix d’une

personne. Par conséquent, la pauvreté n’est pas ici définie comme un

manque d’argent mais comme un manque de choix.

Sen place l’«

agency

», la « capacitation » au cœur du développement

humain. La capacitation correspond à la capacité d’agir des individus.

C’est ce qui va leur permettre d’être les principaux moteurs de leur

développement en devenant des agents capables de changer leur

propre situation. Si la capacité se réfère aux opportunités de la liberté,

la capacitation renvoie au processus de développement et d’exercice de

cette liberté.

L’approche des besoins fondamentaux de Manfred Max-Neef

Les travaux de Manfred Max-Neef s’inscrivent dans la continuité de

ceux d’Abraham Maslow et de sa célèbre pyramide des besoins. Selon

Manfred Max-Neef, le besoin n’est pas un phénomène uniquement

négatif synonyme de privation. Il peut être envisagé comme le ressort

d’une dynamique possible, comme une potentialité, et fait écho en cela

au terme de capabilité d’Amartya Sen. Dans cette approche, les besoins

servent à la fois de stimuli et de carburant au démarrage et au dévelop-

pement du processus.

Pour Manfred Max-Neef

23

, il existe neuf besoins humains fondamen-

taux : la subsistance, qui renvoie au besoin élémentaire pour un orga-

nisme de satisfaire les exigences biophysiques de son fonctionnement

et de sa survie ; la protection, qui se réfère au besoin d’être à l’abri des

dangers possibles ; l’affection, qui est au cœur des relations familiales et

de couple ; la compréhension, qui renvoie à la capacité d’appréhender le

monde qui nous entoure ; la participation, qui se réfère à notre tendance

à prendre part active à la vie sociale, à faire valoir notre point de vue ; le

loisir, oumieux l’oisiveté, qui est le fait de pouvoir disposer demoments

de ressourcement, de repos ; la créativité, qui désigne la participation

au façonnage de notre cadre de vie et notre environnement ; l’identité,

qui se réfère à notre insertion dans la collectivité en tant que personne

singulière et enfin la liberté, qui renvoie à notre besoin de définir nous-

mêmes notre vie, nos objectifs, nos valeurs et de les poursuivre sans

entrave. Mis à part la subsistance qui conditionne l’existence même du

sujet, les autres besoins ne sont pas en relation hiérarchique les uns

envers les autres et tous se trouvent en interaction systémique. Cela

signifie qu’aucun besoin n’est intrinsèquement plus important qu’un

autre, et qu’il n’existe aucun ordre imposé dans leur apparition. Selon

lui, ces neufs besoins sont fondamentaux et communs à tous les êtres

humains, même si ce qui diffère, selon les groupes sociaux, les lieux et

les époques, c’est la manière de les satisfaire.

Par ailleurs, dans le processus de satisfaction des besoins, il distingue

quatre catégories dites « existentielles » : l’être, qui recense les attributs

personnels ou collectifs ; l’avoir, au sens d’avoir accès aux biens

matériels mais qui se réfère aussi des institutions, des lois ; le faire,

qui recense les actions personnelles ou collectives ; et l’interagir, qui

comprend des lieux, des espaces et des environnements d’interaction

sociale. Il a élaboré unematrice utilisant les neuf besoins fondamentaux

en ligne et les quatre besoins existentiels en colonne. Les mots inscrits

dans les cases correspondantes décrivent les éléments qui sont néces-

saires à la satisfaction de ces besoins (Annexe 2).

Ce que le modèle de Max-Neef rend évident, c’est que la satisfaction

des besoins humains fondamentaux ne peut être réellement assurée de

manière simple en fournissant des biens et des services à ceux qui sont

dans le manque. Vouloir résoudre les manques de manière mécanique

nepermet pas d’enclencher devéritables dynamiques dedéveloppement.

«

Vouloir parachuter des vivres ou des médicaments, sans ouvrir un

espace à la parole de l’autre, sans lui donner la possibilité d’élaborer

à travers cette parole sa propre conscience de sa situation, revient à

nier la nature humaine, une partie de son système de besoins et de

ses ressorts

»

24

. Les formes d’organisation, les structures politiques,

les valeurs, les espaces, les pratiques sociales contribuent elles aussi à

répondre aux besoins fondamentaux de l’être humain.

32

33

(23) Manfred Max-Neef,

Human scale development, Conception, application and

further reflection

s, The Apex Press, 1991.

(24) Thierry Groussin, « Le développement et les besoins humains fondamentaux

selon Manfred Maw-Neef »,

http://base.socioeco.org/docs/le_developpement_

et_les_besoins_humains_fondamentaux.pdf