Repenser
l’action collective
Introduction au leadership
de coopération
Éric-Jean Garcia
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1. L’épineuse question du leadership
Parler de leadership est toujours un exercice délicat, tant les expé-
riences et les convictions en la matière sont légion et divergentes.
Cela tient aux mythes et aux croyances propres à chaque culture, mais
également au fait qu’il est possible d’évoquer la question du leadership
à travers un grand nombre de sujets. Au niveau individuel, par exemple,
les aspects physiques, psychiques et intellectuels des leaders sont
souvent mis en avant. Au niveau organisationnel, on trouve notamment
des spécificités identitaires et leurs impacts sur les règles internes, les
conditions de travail, les jeux de pouvoir entre les acteurs, et les dyna-
miques de l’action collective. Au niveau stratégique, il est également
possible d’explorer le caractère visionnaire des décisions, la pertinence
des choix de rentabilité et d’allocation des ressources. Enfin, au niveau
éthique, il est possible de questionner la conformité réglementaire et
déontologique des pratiques managériales.
Tous ces sujets sous-tendent la nature éminemment contextuelle du
leadership et de son corollaire, l’action collective. Dans les faits, une
personne peut parfaitement faire preuve de leadership avec un collectif
donné dans un contexte précis et perdre tout ou partie de son influence
naturelle avec une autre sociologie d’individus et/ou dans un autre
contexte professionnel. Voilà pourquoi les caractéristiques personnelles
d’un leader sont toujours une condition nécessaire, mais très insuffi-
santes pour affirmer qu’une personne qui a fait preuve de leadership un
jour, le fera toujours.
Maintenant, si parler de leadershipest toujoursunexercicedélicat, cela tient
aussi à la relation intime qu’entretiennent « leadership » et « pouvoir ». Le
pouvoir associé au leadership se distingue d’autres formes de pouvoirs
davantage objectivables telles que le pouvoir légal (ex : titres, statuts),
le pouvoir traditionnel (ex : lignée, héritage), le pouvoir économique
(ex : patrimoine, revenus). Certes, le pouvoir du leadership peut se
combiner à d’autres formes de pouvoirs. Mais ce n’est pas une condition
indispensable dès lors que l’on conçoit le leadership comme un pouvoir
d’influence réciproque entre une personne ayant un leadership reconnu
et un collectif qui décide de se mobiliser pour un but, une mission, un
projet commun. Une sorte d’autorité naturelle qui inspire le collectif et
l’encourage à s’investir dans une conquête partagée.