« Un nouveau monde est en train de naître sous nos yeux,
quelque chose de fulgurant.
Osons le regarder avec espérance et émerveillement. »
Nicolas Morin
et
François Delmas-Goyon
moines franciscains
L’innovation est au cœur de la création de valeur
contemporaine
La vitesse d’innovation devient un atout vital pour créer de la valeur.
C’est la dynamique d’innovation qui permet de participer aux écosys-
tèmes d’innovation les plus prospères. L’innovation est de plus en plus
dépendante de l’enracinement planétaire dans des écosystèmes de
créations diversifiés. Il n’est pas évident que nous ayons suffisamment
pris en compte les transformations fondamentales qui s’opèrent dans la
structuremême des économies modernes, ce que Pierre Veltz
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appelle
la construction d’une nouvelle base «
hyperindustrielle
». Celle-ci
repose en effet largement sur une imbrication croissante entre l’industrie
et les services, et se caractérise par le défi de produire des biens et
des services compétitifs «
made in world
». Nous avons étudié trois
exemples d’écosystème d’innovation différents : Palo Alto, Munich,
Copenhague.
Palo Alto : la capitale du digital
Palo Alto est souvent désignée comme étant le berceau de la Silicon
Valley. Selon la légende, c’est dans un garage de cette ville que deux
étudiants en Ph.D. à Stanford, Bill Hewlett et Dave Packard, fondèrent
Hewlett-Packard en 1939 et ainsi la Silicon Valley. Le siège d’HP se
trouve d’ailleurs toujours à Palo Alto. Steve Jobs, le cofondateur et
ancien président d’Apple y a vécu. Palo Alto a été rendue célèbre par le
Xerox Palo Alto Research Center, fondation où ont été mises au point
de nombreuses innovations informatiques telles que Ethernet, Smalltalk,
l’électrophotographie, l’impression laser, l’interface graphique et la
fameuse « souris » qui sera popularisée et commercialisée par Apple.
Palo Alto est sans contexte devenue la capitale de l’économie digitale.
Elle est aussi réputée pour avoir été le berceau du Mental Research
Institute, plus connu sous le nomd’école de Palo Alto, fondé par Gregory
Bateson, chercheur en science de la communication, cybernétique et
psychologie.
Après une crise très violente au début des années 2000, liée à l’effondre-
ment de la bulle Internet et une tentativemitigée de se repositionner sur
les industries vertes autour de 2005, elle a retrouvé depuis quelques
années un dynamisme extraordinaire fondé sur son pilier historique :
le numérique. Palo Alto est l’espace de développement de multiples
nouvelles
start-ups
et bien sûr aussi d’anciennes
start-ups
devenues
les plus grandes capitalisations de la planète : GAFA. Google, Apple,
Facebook et Amazon.
On assiste aujourd’hui à un basculement du pouvoir en Amérique de la
côte Est à la côte Ouest et à la montée en puissance de la baie de San
Francisco et notamment de Palo Alto où l’université de Stanford est en
train de devenir dans beaucoup de domaines la première université dans
le monde.
Palo Alto et Stanford concentrent dans quelques kilomètres carrés à la
fois la plus grande proportion de «
venture capital
» (capital risque) de
la planète, et les meilleurs experts dans tous les domaines de l’infor-
matique, du marketing et des stratégies digitales. Le futur d’Internet et
l’Internet des objets donnent lieux à des débats enflammés. Les pays et
les grandes entreprises ouvrent leur accélérateur de
start-ups
afin de
participer à la dynamique.
Palo Alto est une méritocratie où il est de bon ton de rouler en voiture
électrique et d’être devenu milliardaire avant trente ans. Ce qui frappe,
c’est la concentration d’intelligence venue du monde entier et aussi la
concentration de capitaux mise au service d’idées nouvelles. Palo Alto
est remarquable par sa capacité d’attirer les meilleurs cerveaux de
toutes les cultures et de les faire travailler ensemble, mais aussi de faire
travailler le monde entier au service du développement digital. Dans la
mesure où la révolution informatique n’en est qu’à ses débuts, Palo Alto
est bien partie pour devenir la capitale d’un monde où le digital est en
train de transformer toutes les activités humaines, et où la robotisation
pourrait bientôt remplacer le travail humain.
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(11) Pierre Veltz a enseigné à Sciences Po, dans le master Stratégies territoriales
et urbaines. Ses recherches couvrent deux champs principaux : les transformations
des stratégies et des organisations des firmes, engagées dans les mouvements
d’internationalisation, et les dynamiques des territoires, à différentes échelles.