Cahier numéro 9 - page 20-21

Les politiques d’aide sociale, de logement et d’emploi
Sans les développer autant, on pourrait dire la même chose des contra-
dictions entre les politiques d’aide sociale, de logement et d’emploi. Par
exemple, aujourd’hui, les minima sociaux ne permettent pas d’accéder
au logement social. Il est absurde et coûteux d’établir ainsi un plancher
non-dit d’accès au logement social et de faire payer à la collectivité
l’hébergement de centaines de milliers de familles, ce qui, en France,
devient la solution durable. En région parisienne, par exemple, l’héber-
gement en hôtel entraîne l’errance et fait que les enfants changent sans
cesse d’école. Les enfants en arrivent à mentir sur leur lieu d’habitation
de peur de se faire traiter de SDF ou de « cas soc’ ».
ATD Quart Monde et Habitat et Humanisme ont prouvé que des remises
sur loyers, appuyées en partie sur les surloyers des HLM, permettraient
de loger en HLM les familles vivant avec les minima sociaux. Il en coûte-
rait beaucoupmoins cher aux comptes sociaux, et les familles sortiraient
de l’exclusion sociale bien plus vite si elles pouvaient sortir du ghetto de
l’hébergement avec toutes ses conséquences de stigmatisation. À l’été
2013, ATD Quart Monde et ISM Corum ont réalisé un « testing » : le fait
de vivre en centre d’hébergement, à compétence égale, fait baisser de
30 % les chances d’obtenir un entretien d’embauche.
Là encore, ceci n’est pas inéluctable : le projet de promotion familiale
mené par ATD Quart Monde à Noisy-le-Grand permet à des familles
dans l’errance de vivre dans un appartement intégré à une cité. Projet
sous statut de Centre d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS)
innovant, où les familles restent le temps nécessaire, sans limite de
temps ; elles sont intégrées au quartier et ont accès aux sécurités
fondamentales : jardin d’enfants, médiathèque, soutien à la famille,
recherche d’emploi. 80 % des personnes qui bénéficient de ce dispo-
sitif ne reviennent pas ensuite en centre d’hébergement, alors que la
moyenne nationale indique que 80 % des personnes accueillies dans
ces centres y retournent.
4. Qui peut coordonner les politiques publiques
si ce n’est les premiers intéressés ? Le défi du
partenariat
Par leur propre force sociale, les citoyens inclus réussissent à mobiliser
et à coordonner les services publics à leur profit ; ce qui permet leur
promotion. Pour les plus pauvres qui n’ont pas de force sociale, les
logiques institutionnelles et professionnelles contradictoires prennent
le dessus. Tant que les plus démunis eux-mêmes ne sont pas pris comme
des partenaires centraux par les institutions, aucune coordination ne
peut réussir.
Mais être partenaires et ne pas agir ou penser à la place des plus
démunis, est un défi pour des institutions et des professionnels qui ont
tendance au surplomb vis-à-vis des citoyens,
a fortiori
des plus démunis
d’entre eux. Réveiller la capacité des professionnels de coopérer et
d’apprendre, réveiller le pouvoir de penser et d’agir des plus démunis, ce
sont là les défis décisifs pour que les politiques publiques trouvent leur
cohérence et leur efficacité.
Il convient ici de dire que des politiques publiques trop éloignées des
réalités des personnes voient un taux de non-accès ou de non-recours
considérable. Ainsi, par exemple, 65 % des personnes ayant droit au
RSA activité n’y accèdent pas. Cette politique a été entachée de l’idée
que les personnes pauvres ne voulaient pas travailler parce qu’elles
gagneraient autant à ne pas travailler et qu’une incitation économique
les y déciderait. En réalité, les consultations approfondies de personnes
en situation de pauvreté montrent depuis longtemps qu’elles ont un
désir profond de travailler mais que les obstacles sont essentiellement
la formation, le coût du transport, la garde des enfants... et non pas la
prétendue trappe de l’assistanat. D’autre part, l’heure est tellement à la
crainte que les pauvres soient fraudeurs, que les dossiers pour obtenir
le RSA activité sont volumineux et très intrusifs. D’après nos travaux et
ceux de l’Odenore (Observatoire du non-recours, CNRS), ce sont les deux
raisons principales de ce non-accès qui signe l’échec d’une politique
publique pourtant fortement médiatisée.
Il est reconnu aujourd’hui qu’une politique publique réussit mieux si elle
associe les premiers intéressés à sa conception, samise enœuvre et son
évaluation. La participation a bien été mise en œuvre pour le RSA, mais
trop superficiellement et par là-même a été contre-productive. Notre
évaluation, pour le gouvernement, de la participation à la gouvernance
du RSA a montré que trop souvent celle-ci se réduit à faire participer un
ou deux bénéficiaires avec une dizaine de professionnels et d’élus aux
« équipes pluridisciplinaires » qui étudient les situations et orientent les
usagers, et coupent l’allocation en cas de non-respect. Sans formation,
sans collectif pour se forger une pensée, et très minoritaires dans ces
équipes, les allocataires participants sont souvent mal à l’aise, et parfois
mis dans une telle position impossible qu’ils en deviennent plus durs
que les professionnels.
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