Cahier numéro 9 - page 30-31

28
29
Afin de pouvoir pérenniser l’engagement des entreprises dans des
actions sociétales, la réciproque doit être également vraie. Comment les
entreprises traditionnelles peuvent-elles bénéficier de ce nouveau type
de relations, allant au-delà d’actions ponctuelles ?
Outre les aspects de positionnement en tant qu’entreprise responsable,
de communication et de motivation des collaborateurs, certes légitimes
et importants pour les entreprises, il semble important d’explorer
les bénéfices inattendus d’une collaboration avec des organisations
sociales, tels que l’innovation en termes d’offre et de modèles d’inter-
vention et le développement de nouveaux marchés.
Cela peut paraître polémique ou indécent, mais collectivement les
plus précaires dépensent des sommes importantes dans des biens et
services essentiels de la vie quotidienne qui, de surcroît, ne sont bien
souvent pas adaptés à leurs besoins comme nous l’avons vu précé-
demment. Sans chercher à « faire de l’argent sur le dos des pauvres »
les entreprises traditionnelles peuvent rationaliser leur implication dans
des solutions permettant de sortir de la pauvreté par des arguments
économiques.
Face à la faible croissance économique et au taux de chômage élevé en
Europe, les entreprises sont incitées à chercher de nouveaux relais de
croissance et de nouvelles formes de compétitivité. La co-création de
produits ou de services, en collaboration avec des entrepreneurs sociaux
qui sont de fins connaisseurs du terrain, peut non seulement leur per-
mettre de détecter les défaillances des marchés plus rapidement et
de trouver des solutions créatives pour les surmonter, mais aussi de
prendre une longueur d’avance dans leur secteur. Les entrepreneurs
sociaux sont généralement précurseurs de tendances et détecteurs de
nouvelles solutions. En temps de crise, ils sont capables d’inverser la
logique traditionnelle d’entreprise, de réduire le coût de leurs solutions
autant que possible, de fonctionner avec un budget très limité et d’être
extrêmement «orientés client », car ils sont axés sur le problème sociétal
à résoudre plutôt que sur leur offre.
Les premiers entrepreneurs sociaux du réseau Ashoka qui, dans leur
quête de développement de leur impact, ont commencé à réfléchir à la
question de la co-création, l’ont fait il y a une dizaine d’années déjà. Mais
des barrières importantes entre le monde des organisations à vocation
sociale et le monde de l’entreprise existaient et, pour beaucoup,
subsistent. On peut citer notamment le manque de visibilité et de
crédibilité des entrepreneurs sociaux aux yeux du monde de l’entre-
prise (il existe peu d’opportunités de rencontres et d’échanges entre
les différents milieux, hermétiques), les différences dans les finalités
premières - création de valeur économique d’un côté, création de valeur
sociale de l’autre -, des codes culturels parfois trop prégnants, mais aussi
la frilosité des entreprises à se lancer dans l’exploration active d’oppor-
tunités business impliquant des populations précaires et nécessitant de
transformer leurs façons de faire.
Pourtant, des exemples de co-création réussie existent :
- Jean-Louis Kiehl est à la tête de Cresus, une organisation à but social
qui combat le surendettement pour éviter l’exclusion financière et
les conséquences sociales et familiales souvent dramatiques qui en
découlent. Plutôt que de lutter contre les institutions financières à
l’origine des prêts, Cresus a mis en place, depuis 2009, une plateforme
de détection précoce des clients à risque et d’accompagnement avec
une aide budgétaire et d’autres mesures de soutien. Cette plateforme,
établie tout d’abord avec la Banque Postale, compte désormais une
trentaine de partenaires – banques, compagnies d’assurance et autres
entreprises qui l’ont intégrée à leurs processus. De façon innovante,
ces institutions permettent la mise en place d’un dispositif que Cresus
n’aurait pas pu organiser seul et qui réduit le risque d’exclusion écono-
(9) Source : étude Ashoka avec le soutien d’Accenture France
71 % des dépenses
sur 5 postes
65
47
13 13 20
12 11 8 7 7 6 2 11
Logement
Alimentation
Transport
Santé, assurances,
protection sociale
Énergies
Habillement
Loisirs/Culture
Communication
Biens d'équipement
Alcool/Tabac
Articles de loisirs
Enseignement
Autres
Total
160 Mds
220 MDS d'euros de dépenses totales
des populations pauvres en 2010
9
1...,10-11,12-13,14-15,16-17,18-19,20-21,22-23,24-25,26-27,28-29 32-33,34-35,36-37,38-39,40-41,42-43,44-45,46-47,48-49,50-51,...64
Powered by FlippingBook