Cahier numéro 9 - page 12-13

On a construit notre maison Square Dejessaint, je suis le locataire du
toboggan mon voisin lui occupe la balançoire.
On prend possession des lieux après le départ des enfants, il reste
quelques curieux devant les tables de ping-pong en béton.
Le type du kiosque à journaux, nous signe « à demain ». On mettra pas
les voiles, il le sait bien.
On a construit notre maison Square Dejessaint.
Au petit matin, on détale nos couvertures à la main. Planque notre
simple mobilier dans une cage d’escalier, on a le code secret. On va chez
le Kabyle pour un café à emporter si le bar est désert, le tôlier nous laisse
faire un flipper.
Je sais pas lire, je sais pas lire le score mais j’aime bien quand la boule
en métal va tout en haut loin ça fait changer la musique de la machine.
Je comprends pas la langue, j’ai mes bras pour dictionnaire et mon sourire
poussé, j’ai appris les essentiels chez l’épicier : « Bonsoir », « Oui », « Ça
va très bien », « Canette », « Fromage », « Pain ».
On boit de la bière chimique, fume sans arrêt, nos fesses sur le trottoir et
nos doigts qui dépassent du grillage.
Les passants nous ignorent, on ne leur demande jamais rien.
On a construit notre maison Square Dejessaint.
Toujours dehors, il y a le bruit des sirènes : pompiers, Samu, ambulances,
police.
Eux parfois, ils nous embarquent : simple routine, contrôle d’identité.
Ils attendent l’heure de pointe ça impressionne les passants et nous
emmènent au poste comme on va au bal en riant. Ils ne savent pas d’où
l’on vient : Inde, Bengladesh, Sri Lanka, Pakistan.
Plus de papiers, on a tout déchiré en arrivant.
Refrain : On a construit notre maison Square Dejessaint, je suis le loca-
taire du toboggan mon voisin lui occupe la balançoire.
On prend possession des lieux après le départ des enfants, il reste
quelques curieux devant les tables de ping-pong en béton.
Le type du kiosque à journaux, nous signe « à demain ». On mettra pas
les voiles, il le sait bien. On a construit notre maison Square Dejessaint.
Laveur de vitres, rangeur de chaises à la fermeture des brasseries, dis-
tributeurs de tracts pour des opérateurs de téléphonie, gardien de place
de parking non autorisée. Cinquante centimes, un euro de l’heure si le
mec est généreux. Nous sommes nombreux sur la liste des aspirants
faut négocier mais pas trop, tu dégages si t’es pas content.
Nuages bas, Paris au mois de février carte postale délavée.
Exit les bancs publics les SDF et les prostituées se déplacent sacs
plastiques à la main font semblant de se promener.
Pour me détendre, je squatte face aux trois marronniers. Barbès en
plein air c’est la foire tous les jours : crieurs à la sauvette pour cigarettes
de contrebande et subbutex à l’unité, le flyer du medium docteur
professeur Baba qui va te faire gagner au jeu et te ramener l’être aimé,
les joueurs de bonneteau qui détroussent les touristes de toutes les
nationalités. Sifflets, cris et insultes, je bave sur lemaïs chaud Babylone
agonie.
En fermant les yeux, je vois des trains. Des fois, je rêve que j’en prends
un, destination inconnue.
Avec moi, il y a la belle fille des affiches de cinéma. Elle porte une robe
aux couleurs pétantes moi un magnifique costume en lin.
Elle me dit qu’elle m’aime, je lui prends la main. Réveil abrupt, soudain
c’est la voix de mon voisin, je retourne à mon toboggan, lui à sa balan-
çoire Square Dejessaint,
Refrain : On a construit notre maison Square Dejessaint, je suis le loca-
taire du toboggan mon voisin lui occupe la balançoire.
On prend possession des lieux après le départ des enfants, il reste
quelques curieux devant les tables de ping-pong en béton.
Le type du kiosque à journaux, nous signe « à demain ». On mettra pas
les voiles, il le sait bien. On a construit notre maison Square Dejessaint.
Abd El Haq
Auteur interprète slameur
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